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2èmes Journées de Zarzuela à Cuenca – L’heure de l’internationalisation – Compte-rendu

el terrible perez cuenca 2014 (1)

Pour la deuxième année consécutive (1), la ravissante bourgade de Cuenca, dans la Manche de Don Quichotte, accueille les Journées de Zarzuela. Il s’agit d’une initiative de la Fondation Jacinto Guerrero (2), du nom de ce compositeur renommé de zarzuelas, qui réunit spécialistes et artistes pour débattre et illustrer ce genre lyrique si spécifiquement espagnol, dans une ambiance tout à la fois recueillie et bon enfant.
 
Cette année, la grande innovation réside dans le caractère international des sujets traités et des intervenants. C’est ainsi que se retrouvent des personnalités de différents horizons géographiques, et y compris de contrées de langue non espagnole. À des responsables d’institutions lyriques de Mexico et de Miami (ville hispanophone, comme chacun sait), s’ajoutent d’autres venus de Londres, de Göttingen (en Allemagne), de Naples (Vincenzo De Vivo, directeur du San Carlo) ou de Toulouse (Frédéric Chambert, directeur du Capitole) (3). En sus de représentants signalés issus du pays, de Barcelone ou – naturellement – de Madrid, comme Paolo Pinamonti, le directeur (italien !) du Teatro de la Zarzuela ; ainsi que, parmi ces conférences attractives, des spécialistes et musicologues attitrés, et d’éminents interprètes comme les chefs d’orchestre Antoni Ros-Marbà et Miquel Ortega. Un panel de prestige et des plus diversifiés ! Qui confirmerait les mots de l’écrivain Max Aub à propos de la zarzuela : « un théâtre espagnol universel ».
 
Mais cette immersion intellectuelle dans tous les aspects et les diverses facettes de la zarzuela, se complète de spectacles et concerts particulièrement originaux. La première soirée (le 26 septembre) présente deux piécettes : La salsa de Aniceta, une zarzuela de genre « chico » (en un acte), sur une intéressante musique écrite par Ángel Rubio en 1879, réduite au piano, avec les voix appropriées de Paula Iwasaki et Ruth Iniesta, dans une piquante réalisation scénique conçue par Claudio Tobo ; et Jacinto Guerrero vida de zarzuela (« Jacinto Guerrero, vie de zarzuela »), spectacle théâtral concocté par Pedro Martínez, qui survole la vie et quelques extraits musicaux du compositeur. La musique reprend toute sa prééminence lors de la deuxième soirée, avec le concert de l’ensemble baroqueux tout à fait idoine, Harmonia del Parnàs, célébrant Sebastián Durón, Juan de Navas, Antonio Literes et José de Nebra, à travers une anthologie puisée à des zarzuelas du début du XVIIIe siècle : Coronis, Apolo y Dafne, La colonia de Diana ou Viento es la dicha de amor, avec quelques premières auditions modernes, servies par les voix sûres de Ruth Rosique et Marta Infante. Un jeune ensemble baroque à suivre.
 

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El terrible Pérez © Santiago Torralba
 
Mais le clou revient au jour le clôture, le 28, avec la recréation de El terrible Pérez, pétulante « fantaisie lyrique tragi-comique » de 1903, due aux compositeurs Tomás López Torregrosa et Quinito Valverde. Ce qui a nécessité tout un travail de récupération de la partition. La mise en scène de Paco Mir fait merveille, avec un jeu imaginatif irrésistible. Et le public de l’Auditorium de la cité réserve un triomphe retentissant à cette œuvre parfaitement restituée : par Eduardo Santamaría, ténor de belle projection pour le rôle qui n’est pas si terrifiant de Pérez, les excellentes Gloria Londoño et Ruth Iniesta (encore), parmi pas moins de treize chanteurs, et l’orchestre Oviedo Filarmonia, tous aux ordres impeccables de Nacho de Paz. Succès tout à fait légitime en regard de la qualité du spectacle, bien que l’on puisse s’interroger sur la valeur musicale intrinsèque de la pièce ; avec une veine certes ingénieuse et enlevée dans le style de revista (sous-genre divertissant de la zarzuela) ou d’Offenbach, mais qui illustre peu le talent que l’on connaissait par ailleurs de Torregrosa (dans la autrement inspirée Fiesta de San Antón, par exemple).
 
Pierre-René Serna
 

 Cuenca, Espagne, Théâtre Auditorium, 26-28 septembre de 2014
 
(1)Voir notre compte-rendu des « Journées » de l’an passé : www.concertclassic.com/article/journees-de-zarzuela-cuenca-lart-lyrique-espagnol-en-tous-ses-etats-compte-rendu
(2) www.fundacionguerrero.com
3) Il ne faudra pas manquer, au Capitole, Doña Francisquita, la zarzuela d’Amadeo Vives, pour sept représentations du 21 au 31 décembre 2014. Mais nous aurons l’occasion d’y revenir.
 
Photo © Santiago Torralba

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