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7e Biennale de Quatuors à cordes à la Philharmonie - Mieczyslaw Weinberg retrouvé

Vingt formations en neuf jours ! La 7e édition de la Biennale de Quatuors qui a pris ses quartiers d’hiver à l’Amphithéâtre de la Philharmonie 2 fait très fort cette année en réunissant la fine fleur des jeunes quatuors : les Béla, les Tana (photo), les Szymanowski, les Dover, les Signum, les Zaïde, les Thymos, etc. ; toute une internationale des archets par quatre dont les concerts seront complétés par une journée d’audition de jeunes quatuors à cordes (le 17), un concert-promenade au Musée (le 17), un «Tremplin pour jeunes quatuors » (le 19), mais aussi des ateliers destinés à la jeunesse et des conférences thématiques.

Celle du 24 janvier (15 h)  vous permettra de vous familiariser avec les Quatuors de Mieczysław Weinberg, qui auront constitué l’un des deux  fils rouges de cette édition (l’autre étant l’intégrale des 15 Quatuors de son ami et mentor Chostakovitch) : le 16 janvier, le Dover Quartet aura interprété le 8e Quatuor, le 18 janvier les Szymanowski dévoileront le complexe 13e,  le 19 janvier les Thymos auront confronté leurs jeunes archets au redoutable 4e, les Danel (qui ont enregistré une intégrale des Quatuors du compositeur polonais pour le label allemand CPO) en joueront deux dans le même concert le 22 janvier, les 6e et 7e.

David Fanning et Michelle Assay, qui ont cosigné une très abondante biographie de Weinberg dont la première publication a eu lieu en 2010 - ils travaillent à une nouvelle édition encore plus exhaustive – éclaireront ce qui constitue le journal intime de ce compositeur qui fut l’intime de Chostakovitch. La mise en regard de leurs quatuors est une expérience révélatrice quant à l’évolution parallèle de leurs langages.

Né à Varsovie le 8 décembre 1919 et mort à Moscou dans une extrême pauvreté le 26 février 1996, Weinberg aura vécu toute l’horreur de l’histoire des juifs polonais durant la deuxième guerre mondiale. En 1939, lors de l’invasion nazie il parvient à se réfugier à Minsk, laissant derrière lui toute sa famille qui sera exterminée dans les camps de concentration. A Minsk il entre au Conservatoire dans la classe de composition – jusqu’alors il avait suivi les classes de pianos de Józef Turczyński à Varsovie – mais il doit à nouveau fuir devant l’avancée allemande en juin 1941, alors que l’on venait tout juste de créer sa première partition pour orchestre. Il trouve refuge à Tachkent où un musicien juif le met en contact avec Chostakovitch. Les deux hommes entretiendront dès lors une amitié précieuse, leurs œuvres tissant entre elles un réseau de correspondances et d’échos troublant. Lorsque Weinberg, accusé d’activités sionistes sera emprisonné en 1953, Chostakovitch prendra l’initiative d’une pétition adressée à Béria et demandant son élargissement qui surviendra au lendemain de la mort de Staline.
 

Quatuor Béla © Jean-Louis Fernandez

De 1954 à la disparition de Chostakovitch en 1976, Weinberg connut son âge d’or, Kogan, Rostropovitch, Oistrakh jouent ses concertos, Gilels s’approprie son abondante musique de piano, Kondrachine, Barshaï créent ses symphonies. Malgré une maladie chronique, il continuera de composer jusqu’à ses derniers jours, alors même que son œuvre était oubliée de son vivant, abordant tous les genres, ne renonçant jamais à la tentation d’écrire un nouveau chef-d’œuvre. Si les 22 Symphonies et les 17 Quatuors constituent les deux axes principaux de son catalogue, ses opéras, que l’on commence à redécouvrir, sont tout aussi extraordinaires, à commencer par sa mise en musique du roman de Dostoïevski, L’Idiot, achevée en 1986.
 

Quatuor Borodine © Keith Saunders

Si les jeunes formations constituent l’essentiel des  ensembles programmés – j’enrage tout de même de ne pas y trouver les Hermès – il ne faudra pas manquer les prestations de quelques grandes formations historiques. Le 20 janvier les Borodine fêteront leurs 70 ans de scène ! Le lendemain, les Artemis invitent Alexander Lonquich, pianiste mythique bien trop rare en concert, pour le 3e Quatuor de Brahms et le Quatuor de Schumann. Les Hagen fermeront le banc le 24 au soir, mettant en regard les 15èmes Quatuors de Schubert et de Chostakovitch, posant probablement plus de questions qu’ils n’apporteront de réponses …

Jean-Charles Hoffelé

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7e Biennale de Quatuor à cordes
Du 16 au 24 janvier 2016
Paris - Philharmonie 2 (Amphithéâtre)
philharmoniedeparis.fr/fr/programmation/saison-2015-2016/week-ends-2015-2016/biennale-de-quatuors-cordes-15-24-janvier

Photo : Quatuor Tana © DR

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