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Académie Maurice Ravel de Saint-Jean-de-Luz - Talents et révélations - Compte-rendu

Comme quantité d’associations et d’institutions culturelles, l’Académie Internationale Maurice Ravel est confrontée à une problématique baisse des subventions publiques, mais l’enthousiasme demeure ; celui des professeurs réunis par Jean-François Heisser, Président de l’Académie, celui des stagiaires et des auditeurs, en nombre croissant. «Nous nous sentons portés par votre soutien », déclare J.F. Heisser au public d’un Auditorium Ravel comble pour l’un des concerts de la fin de la 44ème session de l’Académie luzéenne.

Le piano se taille la part du lion au cours de ce rendez-vous, mais c’est toutefois par la Sonate pour violon de Poulenc que le programme débute, interprétée par Vera Lopatina (24 ans) et Marianne Salmona (F., 21 ans) au piano. Portée par le jeu bien timbré et vivant de cette dernière, la violoniste russe signe une version très élégante. Trop : ce Poulenc aurait besoin de s’encanailler un peu du côté la Bastoche et de la rue de Lappe – avant qu’elle ne se mue en repère de bobos, il va de soi - pour pleinement parvenir à ses fins.

Sans transition, Philippe Hattat attaque la Toccata en mi mineur BWV 811. Netteté de la ligne, lisibilité des plans sonores, lyrisme, vitalité dénuée de toute brutalité : le naturel de ce Bach signale un remarquable musicien qui parle clair et franc et possède une qualité précieuse entre toutes : la simplicité. Il n’a que 20 ans ; on le suivra de près !

Avec Nishihara Yuri (J., 25ans) et Mishka Rushdie Momen (G.B., 21), on entend la presque totalité des Miroirs de Ravel - ne manque que La Vallée des cloches. Noctuelles et Oiseaux tristes sont abordés de manière très abstraite par la Japonaise. Sa conception manque de couleur mais son énigmatique modernité n’est pas sans séduire. On lui préfère toutefois le toucher plus sensible de la jeune Anglaise dans Une barque sur l’océan et Alborada del gracioso. Elle modèle avec beaucoup de poésie les mouvements de houle de la première et se garde de tout déballage virtuose dans la seconde, dont la partie centrale est vécue avec sensibilité.

Si la Suggestion diabolique de Prokofiev par Chen Wen (Ch. 25 ans) se révèle hors sujet par manque de … diabolisme, on prête attention aux quelques Préludes de Maurice Ohana interprétés par Marion Jacquard (F., 25 Ans) et Jody-Line Gallavardin (F. 21 ans). Nos 16, 17, 18 pour l’une, 21, 22, 23, 24 pour l’autre. La brièveté de ces extraits ne permet pas de se faire une idée complète du talent des deux artistes, mais l’elliptisme et le sens des climats qu’elles manifestent donnent envie de les entendre, chacune, dans l’intégralité des Préludes de celui qui présida l’Académie Ravel de 1990 à 1992. Un cycle beaucoup défendu autrefois par Jean-Claude Pennetier, mais que la jeune génération néglige, hélas.

Folie que de se lancer «  à froid » dans la Toccata de Schumann. Wen Pinko (Taïwan, 24 ans) prend le risque et assume - magistralement ! -, mais ce n’est finalement pas là l’essentiel. Ce morceau que l’on si a souvent entendu joué avec un raffinement de bûcheron soviétique, se métamorphose sous les doigts de la jeune femme. Exécution légère, fourmillante de détails, d’un aplomb rythmique parfait : l’Opus 7 devient une pièce ailée lançant des clins d’œil amicaux à son presque contemporain, le Carnaval op 9. Bluffant ! On va entendre parler bientôt de celle qui n’a pas encore terminé ses études au CNSMD de Lyon…

On va entendre parler aussi du merveilleux Cassia String Quartet (photo, GB, Ama Welch, Tory Clarke, Laurie Dempsey, Joshua Lynch ; 23 ans de moyenne d’âge) qui termine le concert par le Quatuor de l’enfant de Ciboure. Elève de Peter Cropper à l’Académie Ravel, la formation britannique (fondée en 2009) livre une interprétation fidèle à l’esprit ravélien par sa clarté et son équilibre, doublée d’une constante effusion poétique. Sans une once de maniérisme ou de maniaquerie « horlogère », les jeunes britanniques signent un Quatuor en fa majeur simplement bouleversant. Ce Très lent qui semble ouvrir les portes de « tout un monde lointain » n’est pas près de quitter notre mémoire…

Alain Cochard

Saint-Jean-de-Luz, Auditorium Ravel, 10 septembre 2013

Site de l’Académie Ravel : www.academie-ravel.com

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Photo : DR
 

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