Journal

Alain Altinoglu, directeur musical de la Monnaie – « Prélude 2016 »

Du Met à Bayreuth, de Covent Garden à Vienne, de Chicago à Zurich, Alain Altinoglu, compte depuis quelques années déjà parmi les chefs français les plus demandés à l’étranger, dans le domaine lyrique aussi bien que symphonique. A 40 ans tout rond, le temps était venu pour lui de trouver un port d’attache. C’est la Monnaie de Bruxelles et son directeur, Peter de Caluwe qui le lui ont offert, en septembre dernier, en le nommant directeur musical.
 
Après le départ anticipé de Ludovic Morlot en décembre 2014, le choix s’est donc porté sur Alain Altinoglu, on ne peut plus naturellement. Son histoire avec l’Orchestre symphonique de la Monnaie n’était sans doute pas très ancienne, mais le coup de foudre qui s'était produit en 2011, à l’occasion d’une Cendrillon de Massenet (mise en scène de Laurent Pelly), avait contribué à établir des liens privilégiés. «Ça a été tout de suite une grande alchimie avec l’orchestre, avec l’institution aussi ; une grande maison d’opéra à dimension humaine », confie-t-il. Des programmes symphoniques ont ensuite permis d’approfondir la relation et l'artiste n’a donc pas hésité un seul instant à répondre positivement à la proposition de P. de Caluwe, conforté dans sa décision par la « programmation novatrice » de ce dernier.
 
« C’est un vrai orchestre d’opéra », dit A. Altinoglu d’une phalange dont il apprécie «la souplesse, la capacité de respirer avec les chanteurs, de les écouter. » «Un vrai échange musical s’établit entre le chef et les musiciens. Chacun d’entre eux est investi dans son travail ; ils viennent en répétition avec des idées », souligne celui qui est décidé à tirer parti d’une « couleur spécifique, en particulier dans les cordes où l’influence de l’école franco-belge se fait sentir. »
Après avoir longtemps volé de fosse en fosse, d’orchestre en orchestre, A. Altinoglu ne cache pas son bonheur de pouvoir travailler avec son orchestre et « de lui donner une direction. ».

© Marco Borggreve
 
Avec janvier 2016, il prend officiellement ses fonctions de directeur musical, mais on ne l’entendra que dans des programmes symphoniques d’ici à juin. «J’ai dû aménager mon agenda et annuler beaucoup de choses pour les saison à venir, explique-t-il, et je remercie ceux qui ont compris et accepté que je renonce à nombre d’engagements (à Vienne, au Met, à Zurich, etc.). Je n’ai pas pu le faire pour la saison en cours, qui est d’autant plus une saison de transition pour moi que La Monnaie est fermée pour travaux » (la réouverture est prévue pour la rentrée 2016 et, jusque là, les spectacles se déroulent dans diverses salles de la capitale belge, le Palais de Beaux Arts, Flagey, Cirque royal, etc. ndr). Après un Requiem de Berlioz à Bozar en novembre, le chef a programmé deux concerts, en janvier et en juin, ainsi qu’un récital chant/piano en mai avec son épouse la mezzo Nora Gubisch.
 
Les événements à l’affiche ne sont toutefois que la partie visible de l’activité d’A. Altinoglu à la Monnaie. « La tâche du directeur musical est de discuter au quotidien du fonctionnement de la maison. » Un point sur lequel « l’ouverture au dialogue » de P. de Caluwe le comble. Il faut préparer l’avenir et donc mener à bien les concours de recrutement qui se profilent à brève échéance. « D’ici à l’an prochain un dizaine de postes, dont certains très importants, sont à renouveler. La physionomie de l’orchestre va beaucoup changer durant les quatre ou cinq prochaines années », anticipe le directeur musical.
Quelles œuvres envisage-t-il d’aborder ? « J’entends me montrer éclectique pour donner à l’orchestre les outils lui permettant d’aborder les répertoires les plus variés. Dans les années qui viennent je ferai aussi bien du Wagner, que du Verdi, du Mozart, du Bartók ou du Martinu. » Côté symphonique, le chef souhaite « repartir sur des fondamentaux du répertoire, avec un cycle annuel autour d’un compositeur ». Ce goût des thématiques se dessine dès cette saison : intitulé « Prélude 2016 », le concert du 10 janvier est en effet quasi intégralement français (Ibert, Bizet, Ravel, Berio), tandis que celui du 25 juin jouera la carte russe avec Prokofiev et Stravinski.
 
A partir de 2016-2017, l’activité d’Alain Altinoglu à la Monnaie consistera en deux ou trois productions lyriques et quatre à six programmes symphoniques par saison, ce à quoi s’ajouteront les éventuelles tournées et les enregistrements – des projets sont actuellement « en cours de discussion » en ce domaine.
En opéra, le chef souhaite désormais se concentrer sur la Monnaie, tout en honorant des contrats signés il y a très longtemps, telle cette nouvelle production de Pelléas qui s’annonce la saison prochaine à Vienne. Par ailleurs, après une première apparition très applaudie à Bayreuth l’été dernier, on peut imaginer qu’il ne renoncerait pas à une nouvelle invitation au Festspielhaus où le travail sur Lohengrin l’a comblé - «des conditions optimales : chaque personne, de l’employé de la cantine au premier violon, vit pour Wagner. » Puisse-t-elle se produire ! 
 
Du fait de ses obligations à la Monnaie, A. Altinoglu préfère désormais, en tant que chef invité, mettre l’accent sur le symphonique, moins chronophage que le lyrique. Les Etats-Unis l’attendent la saison prochaine (Boston, Cleveland, Philadelphie) et on le verra par ailleurs à la tête du London Symphony Orchestra.
Amoureux de la voix, l’artiste est aussi un merveilleux pianiste accompagnateur, que l’on retrouve de façon régulière au côté de Nora Gubisch. Le 23 mai, la saison de la Monnaie permettra d’entendre leur duo dans un programme Ravel, Brahms et Liszt. Auparavant, le 13 mars, le Studio 104 de la Maison de la Radio l’aura accueilli pour un récital de mélodie française.
 
Alain Cochard
(Entretien avec Alain Altinoglu réalisé le 3 décembre 2015)

logo signature article

 
Orchestre symphonique de la Monnaie, dir. Alain Altinoglu
Nora Gubisch, mezzo
Œuvres de Ibert, Bizet, Ravel et Berio
10 janvier 2016 – 20h
Bruxelles – Bozar
www.lamonnaie.be/fr/concerts/585/Alain-Altinoglu
 
Orchestre symphonique de la Monnaie, dir. Alain Altinoglu
Jérôme Pernoo, violoncelle
Œuvres de Prokofiev et Stravinski
25 juin 2016 – 20h
Bruxelles - Bozar
www.lamonnaie.be/fr/concerts/590/Alain-Altinoglu
 
Nora Gubisch, mezzo / Alain Altinoglu, piano
Œuvres de Ravel, Brahms et Liszt
23 mai – 20h
Bruxelles – (lieu à déterminer)
www.lamonnaie.be/fr/13/566/Nora-Gubisch
 
Site de la Monnaie
www.lamonnaie.be

Photo © Marco Borggreve

Partager par emailImprimer

Derniers articles