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Alexander Paley au Festival de Montpellier – Quarté russe – Compte-rendu

On reproche parfois aux pianistes un certain manque d’originalité dans leurs programmes. Sur ce point, Alexander Paley ne risquait pas de s’exposer à la critique avec le quarté de sonates russes qu’il offrait dans le cadre du Festival de Radio France : Sonate-Reminiscenza de Medtner, Sonate en si bémol mineur (version en trois mouvements) de Balakirev, 1ère Sonate en si bémol mineur op. 74 de Glazounov et 2ème Sonate op. 19 de Scriabine. Voilà ce qui s’appelle sortir des sentiers battus !
 
Prise dans un tempo très retenu, la Reminiscenza mérite pleinement son titre sous les doigts d’un coloriste qui explore le tissu polyphonique, donnant à son interprétation les allures d’une plongée dans les méandres d’une lointaine mémoire. Comparée à des conceptions plus allantes, l’option peut surprendre mais s’impose vite par un caractère aussi troublant que narratif.
Ce sens du récit qui fait mouche aussi dans le premier mouvement de la Sonate de Balakirev où Paley, familier de cette musique depuis très longtemps il est vrai (1), parvient unifier un discours qui oscille entre accents fatalistes et épisodes plus tendres. Et avec quel art exploite-t-il le caractère étonnamment clos et répétitif de la Mazurka centrale avant de plonger son auditoire dans la rêveuse apesanteur de l’Andante final.
 
Parce qu’il voir clair dans le généreux flot de l’Allegro introductif de la 1ère Sonate de Glazounov, le virtuose restitue avec un lyrisme aussi fluide qu’enveloppant un propos qui pourrait verser dans l’épaisseur chez des interprètes moins avisés. On ne goûte pas moins les miroitements de l’Andante et l’humeur ludique avec laquelle est traitée la giration de l’Allegro scherzando final. L’Opus 74 ne se range pas parmi les chefs-d’œuvre impérissables du piano, mais face à une approche aussi rondement menée on ne boude pas son plaisir.
Chef-d’œuvre de jeunesse en revanche que la « Sonate-Fantaisie » dans laquelle Paley sait jouer des oppositions entre effluves romantiques et tension rythmique, pour rappeler que le "premier" Scriabine est déjà bien… du Scriabine !
 
Alain Cochard

(1) Alexander Paley a signé une intégrale de la musique pour piano de Balakirev en 1992 chez Naxos
 
 
Montpellier, Salle Pasteur, 17 juillet 2015.

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