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Alexandre Kantorow en récital aux « Pianissimes » – Foisonnement poétique – Compte-rendu
Après le succès du disque « A la Russe » (1) et de récitals à la Fondation Louis Vuitton (2) qui ont contribué à le propulser aux premières loges de la scène pianistique, Alexandre Kantorow (photo), sublimant l’écrin magique du couvent des Récollets, reste fidèle à sa réputation, souverain et plus prometteur que jamais.
Le Prélude et Fugue en mi bémol majeur BWV 852 du Clavier Bien Tempéré instaure une intimité qui n’est jamais factice, mais contient ce mélange de pudeur et de spontanéité qui la rend si tendre et si touchante. La gestion des dynamiques dans la fugue apporte une grande clarté dans ce foisonnement, et chaque voix devient vivante, sans être subordonnée aux autres.
La Sonate n°2 de Beethoven vient confirmer ce que la fugue de Bach laissait déjà pressentir : le pianiste est passé maître dans l’art de l’articulation, ce qui fait merveille dans l’écriture contrastée de l’Allegro vivace : fusées ascendantes jaillissant sans crier gare, cascade de staccato d’une précision diabolique, détachés espiègles. La variété, la vivacité et la sûreté du jeu démultiplient les personnages qui s’expriment dans ce récit imaginaire. La trame est sans doute plus locale que globale, et l’écoute suit cette attention au détail. Dans l’Allegro appassionato, la donne s’inverse, le pianiste réussi de main de maître à tenir la tension d’un bout à l’autre sans la relâcher, malgré quelques irrégularités dans le staccato de la main gauche et le tenuto de la droite.
La 12e Etude d’exécution transcendante « Chasse Neige » de Liszt permet à Kantorow d’exprimer une autre facette de son jeu, la légèreté hypnotisante qui semble survoler toute difficulté technique. Il donne à voir autant qu’à entendre, à sentir autant qu’à frémir, aussi les batteries initiales des balalaïkas se muent-elles en bourrasques glaçantes. Ce qui frappe, c’est d’abord la souplesse et la fluidité au clavier, accompagnées des frissons causés par le surgissement des chromatismes. Dans la Fantaisie en fa mineur de Chopin, la poésie est omniprésente, qui se bâtit sur un jeu massif, presque beethovénien.
Shuichi Okada © DR
Le pianiste est rejoint en fin de concert par le jeune violoniste Shuichi Okada pour interpréter la 3ème Sonate de Beethoven. Dans la connivence des deux musiciens on retrouve cette attention portée aux articulations et aux dynamiques, et la sûreté de l’attaque œuvre à construire une vision contrastée et architecturale. Le timbre brillant du violon dessert toutefois par moment l’équilibre sonore. En bis, le finale de la trop peu jouée Sonate pour violon et piano de Richard Strauss, où les musiciens savent trouver un juste et délicat équilibre entre le lyrisme, musique de salon et recueillement.
Manuel Gaulhiac
Paris, Couvent des Récollets, 10 décembre 2018 / Prochain concert des « Pianissimes » à Paris (Couvent des Récollets) le 28 janvier 2019 avec Nathan Mierdl (Lauréat du Concours Menuhin de Genève 2018) et Jonathan Fournel : www.pianissimes.org/fournel/
- Œuvres de Rachmaninov, Tchaïkovski, Balakirev, Stravinski/Agosti / BIS-2150 SACD
- www.concertclassic.com/article/alexandre-kantorow-en-recital-la-fondation-louis-vuitton-un-grand-est-ne-compte-rendu / www.concertclassic.com/article/alexandre-kantorow-lauditorium-de-la-fondation-louis-vuitton-le-feu-et-le-coeur
Photo © Jean-Baptiste Millot
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