Journal

Ali-Baba de Lecoq à l’Opéra Comique - Quarante raisons d’y aller voir

Tassis Christoyannis baryton

« Sésame, ouvre-toi ». La formule est restée célèbre, tout comme le conte. Mais l’on ne doit pas se tromper d’univers. Lorsque Charles Lecocq (1832-1918) compose Ali-Baba qui sera créé au Théâtre Alhambra de Bruxelles le 11 novembre 1887, ce n’est pas le conte oriental qu’il met en musique, mais un argument déjanté (Vanloo et Busnach signent le livret) qui lui permet de retrouver l’univers loufoque des grands Offenbach, sinon leurs triomphes.

Sur cette vitalité très bouffe se greffent un orchestre alerte, un sens des coups de théâtre et de l’intrigue finement vus, une vocalité débridée, un charme mélodique certain, tous les éléments qui firent le succès plus durable d’ouvrages comme La Fille de Madame Angot (1872) ou Le Petit Duc (1878). Cette joie sans mélange, Lecocq la cultivait contre son propre destin : atteint de coxalgie durant son enfance, il fut condamné sa vie durant aux béquilles et souffrit mille douleurs dont sa musique ne souffle jamais mot. L’élégance et la pudeur même.

Partout cette légèreté, jusque dans les partitions de sa dernière période où le succès ne fut guère au rendez-vous. Même cet Ali-Baba pourtant si finement troussé, où les hommages à Offenbach abondent, ne trouvera que peu d’échos publics. On l’oublia, comme tant d’autres de ses partitions, et deux mois après sa mort, l’Opéra-comique reprit encore l’inusable Fille de Madame Angot, succès insolent, arbre qui cache une forêt riche de plus de près de quarante titres.

C’est donc justice que Favart veut rendre à un de ses musiciens emblématiques, en ressortant des archives avec l’aide de l’Opéra de Rouen cet Ali-Baba oublié. Arnaud Meunier prévient : sa mise en scène sera un brin politique, dénonçant la société de consommation. Pourvu qu’il ne nous mange pas le rire dans la bouche pour mieux y faire entrer la conscience de classe, on verra bien.

On pourra en tous cas compter sur Tassis Christoyannis (photo), transformé en technicien de surface, pour incarner un Ali-Baba aussi rusé qu’amoureux de sa Zobéide (Christianne Bélanger, issue de l’Académie de l’Opéra Comique), flanquée de sa Morgiane dévouée et dégourdie (Sophie Marin-Degor) (1), et du Zizi virtuose de Philippe Talbot. Jean-Pierre Haeck dirigera tout ce petit monde – Accentus et l’Orchestre de l’Opéra  de Rouen compris -  de sa baguette informée, lui qui est devenu un vrai connaisseur du répertoire français de la fin du XIXe siècle que le Palazzetto Bru Zane nous fait redécouvrir avec bonheur. Une fois encore, cette active institution aura apporté son obole et son aiguillon.

Côté « Rumeurs », on relève un programme Haydn/Mozart du Philharmonique de Radio France dirigé par Bernard Labadie, avec Kristian Bezuidenhout au piano (le 21), deux récitals « Les poètes au piano » (des mélodies françaises confiées des chanteurs de l’Académie de l’Opéra Comique ; les 14 et 16 à 13h) et la projection de la Vie parisienne d’Offenbach mise en scène par Jean-Louis Barrault (le 21). Une soirée qui tiendra lieu d’hommage à Micheline Dax – inoubliable Metella -, décédée le 27 avril.
 
Jean-Charles Hoffelé
 
(1) Hormis pour la réprésentation du 16 où Judith Fa, membre de l’Académie du Comique, la remplace.

Charles Lecocq : Ali-Baba
12,14,16,18,20 & 22 mai 2014
Paris – Opéra Comique
www.concertclassic.com/concert/ali-baba-de-charles-lecocq

Photo © DR

Partager par emailImprimer

Derniers articles