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​Aline Piboule joue Gabriel Fauré – La force et la pudeur

 

On s’était fait l’écho en tout début d’année de la pleine réussite de « Fauré ou le dernier amour » (1), « récit récital » qu’Aline Piboule et Pascal Quignard on conçu pour évoquer la relation de l’auteur des barcarolles avec Marguerite Hasselmans, jeune musicienne d'un quart de siècle sa cadette dont il s’éprit en 1900 et qui demeura à ses côtés jusqu’à sa mort. « Récit récital » : jolie formule pour décrire un programme qui plonge l’auditeur dans la dernière période de la vie de Fauré, avec une rare justesse de ton, les sentiments amoureux allant de pair durant toutes ces années avec les graves problèmes auditifs de l’artiste – plus que de surdité, il souffrait d’une insupportable dilacération de l’image sonore. Le public ne s’y est d’ailleurs pas trompé, qui réserve le meilleur accueil à ce « Dernier amour », déjà repris une douzaine de fois depuis sa première en janvier, dont une en Espagne. Et les Etats-Unis ne tarderont pas à le découvrir.
 

Le piano à queue Gaveau - 1929 (n° de série 87517) choisi par Aline Piboule pour son récital Fauré © Harmonia Mundi/Stradivari

Voyage dans un autre temps

Pour l’heure, c’est au Festival de l’Orangerie de Sceaux que, le 13 septembre (dans le grand salon du château), on retrouvera Pascal Quignard et Aline Piboule. Un bonheur ne venant jamais seul, la rentrée est aussi marquée par la sortie chez Harmonia Mundi (dans la collection « Stradivari » (2)) d’un somptueux récital Fauré d'Aline Piboule, réalisé sur le Gaveau de 1929 qu’elle jouait en janvier dernier à la Cité de la musique.
C’était là la première apparition en concert de cet instrument – autrefois propriété de la Société des Amis de la Musique de Pau – depuis sa restauration par les soins de Maurice Rousteau à la demande du Musée de la musique. Comme les autres instruments en état de fonctionnement conservés par ce dernier, ce piano ne peut être déplacé et joué que dans le périmètre de la Philharmonie de Paris-Cité de la musique. Dès décembre 2023, la pianiste y avait enregistré son récital Fauré, avec à ses côtés Alban Moreau (direction artistique et prise de son) dont le travail se révèle d’une fidélité absolue à la personnalité de l’instrument. Au premier abord, les oreilles accoutumées aux seuls pianos modernes pourront être un brin déroutées par sa sonorité singulière, mais vite elles se feront aux aigus cristallins, au médium charnu, aux basses amples quoique jamais envahissantes d’un instrument qui porte le souvenir des heures glorieuses – hélas révolues ... – de la facture instrumentale française. « Un piano qui donne au public la possibilité d’un voyage dans un autre temps », dit Aline Piboule ...
 

Un enregistrement qui fait déjà date

Certes, mais rien ne serait possible sans une guide aussi convaincante et inspirée. Voyage dans l’univers d’un abord rien moins que « facile » du dernier Fauré ... A ses débuts, c’est vers le premier Fauré, imprégné de romantisme (Chopin, Schumann), que se dirigeait spontanément la pianiste. Au fil des ans, par la fréquentation de la musique vocale (elle garde un souvenir ému de La Bonne Chanson avec Vincent le Texier) et de la musique de chambre (le 2Quintette op.115 constitua d’évidence le cap décisif), elle a peu à peu pénétré les arcanes du Fauré ultime, pour y entraîner à présent ses auditeurs. Avec une évidence poétique à laquelle on ne résiste pas une seule seconde ! Pudeur et force conjuguées : traduire avec autant de tact les charmes et les secrets, la tendresse, le lyrisme, l'amertume, la douleur – la rage contenue parfois même – qui habitent ces partitions n'est pas à la portée de tous les interprètes ...
 

© Jean-Baptiste Millot

Les rives paisibles de l’au-delà

Placée en tête de programme la tendre Improvisation op. 84/5 (de 1902) vous prend par la main. Suit un grand bouquet de Nocturnes (nos 5, 11, 12 et 13) et de Barcarolles (nos 3, 4, 5, 9, 10, 12, 13) ; les pièces s’entremêlent dans un ordonnancement tonal et dramatique idéal. Plutôt que terminer par le 13e Nocturne, Aline Piboule a préféré placer celui-ci en avant-dernière position, et réserver la dernière place à la 12Barcarolle, « évocation des rives paisibles de l’au-delà » selon Harry Halbreich ... Magnifique idée et bouleversante conclusion d’un enregistrement magistral qui, d’emblée, fait date dans la discographie fauréenne.

Quant au Festival de l’Orangerie de Sceaux, notez qu’il vous réserve d’autres passionnants rendez-vous. Pourquoi ne prolongeriez-vous pas le plaisir, le 14 septembre, avec le Trio Pantoum ? Son programme Rachmaninoff, Arensky, Weinberg est le premier d’une série de trois, que l’on réentendra en divers lieux au cours de La Belle Saison (3). Suivront, le 19 septembre, les Quatuors Van Kuijk et Magenta, pour un original concert Bacewicz, Schoenberg, Mendelssohn, et enfin, le 26 septembre, Pierre et Théo Fouchennret qui, après leur extraordinaire programme tout Bartók la saison dernière (4), sont de retour à La Belle Saison dans des pages de Brahms, Ravel et Bartók.

Alain Cochard
 

Voir les prochains concerts "Fauré" en France

(1) https://www.concertclassic.com/article/aline-piboule-et-pascal-quignard-la-cite-de-la-musique-le-dernier-amour-de-faure-compte
 

(2) 1CD Harmonia Mundi / Stradivari – HMM 902510

(3) La Belle Saison / 2024-2025 : la-belle-saison.com/les-programmes

(4) www.concertclassic.com/article/pierre-et-theo-fouchenneret-jouent-bartok-aux-bouffes-du-nord-la-belle-saison-engagement
 

« Fauré ou le dernier amour »
Pascal Quignard & Aline Piboule
13 septembre 2024 – 20h
Sceaux – Grand salon du château
https://www.concertclassic.com/article/aline-piboule-et-pascal-quignard-la-cite-de-la-musique-le-dernier-amour-de-faure-compte
 
Photo Aline Piboule © Jean-Baptiste Millot

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