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Anu Tali et Eldbjørg Hemsing à l’Orchestre national d’Ile-de-France – Pas tout à fait – Compte-rendu

 
Un programme délicieux en perspective que ce tiercé d’œuvres de charme, même si le 3e Concerto pour violon, K 216 de Mozart, mérite un peu plus que cette étiquette : la Symphonie classique de Prokofiev, est un bouquet d’élans vitaminés, juvéniles, pétillants, et pour obtenir sa fragrance, il faut un ensemble instrumental qui l’assume avec malice et légèreté, comme pour une ronde elfique. La Symphonie dite  « Italienne » de Mendelssohn, est, elle, un fleuve heureux qui coule comme un hymne à la grâce de l’Italie dont le compositeur, âgé de vingt ans, savourait les charmes, lors de son séjour romain notamment. Tout y est joyeux, frais, avec des rythmes endiablés qui chatouillent les jambes.
Quant au Concerto n°3 de Mozart, on le sait chef-d’œuvre, même si lui aussi approchait la vingtaine d’années, et n’était guère heureux au service du sinistre Colloredo, à Salzbourg. Mais sa musique l’emmenait très loin et cette œuvre, qui court les concerts et les mémoires, est de celles qui savent mêler intimement délicatesse apparemment inoffensive et expression dramatique, mais en restant sur le mode retenu.
 

Eldbjørg Hemsing © Gregor Hohenberg
 
Pour faire retentir tous ces accents charmeurs, il fallait en premier lieu une baguette à la fois vitaminée et spirituelle et on attendait beaucoup de la cheffe Anu Tali (photo), au palmarès plus que flatteur, puisque cette Estonienne qui a baigné dans le bain musical pétersbourgeois, s’impose en de multiples scènes, dans des domaines très variés, notamment Carmen tout récemment à Séville. Force est de dire qu’elle n’a pas convaincu, confondant violence et vitalité, et secouant ses troupes comme un chef d’armée. Avec rigueur certes, mais s’il en faut pour les œuvres précitées, elles doivent aussi distiller du bonheur, de la joie de vivre, et non faire allonger le pas militairement. Heureusement, l’Orchestre d’Ile-de-France, aux cors éclatants, avait les moyens de la suivre dans cette entreprise, qui faisait ressembler le Prokofiev de la Symphonie classique à celui d’Ivan le Terrible, et le Mendelssohn de l’ « Italienne » à une démonstration germanique, avant de trouver, enfin, des accents poétiques dans le 3mouvement, et de laisser le saltarello final gambader avec un peu plus d’insouciance.
 
Et quoi de neuf dans cette vigoureuse démonstration ? Mozart, toujours, où la charmante violoniste norvégienne Eldbjørg Hemsing, fille aux cheveux de lin dans sa robe scintillante, qui a déployé dans le Concerto n°3 la sonorité fine de son Stradivarius (le « Rivaz, Baron Gutmann ») : en une ligne élégante et sans faille, mais manquant de relief, et une palette un peu monochrome, sans ces revirements d’âme qui disent combien le discours de Mozart, en apparence léger, est riche d’inflexions expressives, changeantes, mais toujours prenantes. La beauté était là, certes, mais distante, tandis que la direction d’Anu Tali n’aidait guère à la moduler. Dommage, car les moyens musicaux étaient incontestables, ne demandant qu’à vibrer plus chaleureusement.
 
Prochain rendez-vous de l’Ondif avec Anaïk Morel et Loïc Félix, sous la baguette de Karen Kamensek, pour « Une soirée chez Offenbach » (du 9 au 18 décembre). (1)
 
Jacqueline Thuilleux
 

(1) « Une soirée chez Offenbach »  bit.ly/3gKY1RL
 

Paris, Cité de la musique, 29 novembre 2022 ; prochains 1er décembre (Elancourt), 2 décembre (Orly) et 4 décembre 2022 (Bonneuil-sur-Marne) // bit.ly/3B0HpMv

Photo © Kaupo Kikkas

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