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Belisario de Donizetti au Festival de Bergame - Un creuset de voix et de styles - Compte rendu

Peu après Lucia di Lamermoor (1835), Donizetti poursuit sa collaboration avec le librettiste Salvatore Cammarano dans un Belisario (1836) qui signe le retour au genre seria et à Venise – le compositeur n'avait plus créé d'opéra dans la cité des Doges depuis plus de quinze ans. Si l'ouvrage connut immédiatement le succès, celui-ci s'est tari au fil du dix-neuvième siècle avant de sombrer dans un oubli dont le tirèrent Giuseppe Taddei et Leyla Gencer en 1969 à La Fenice. Berceau du musicien lombard, Bergame lui rend hommage avec un festival qui lui est consacré chaque automne, et ouvre sa septième édition avec cette rareté, remplissant ainsi pleinement son rôle de renouvellement du répertoire.

Dépourvu d'intrigue amoureuse, le poème inspiré par le roman éponyme de Marmontel narre la chute du général Belisario, accusé par sa femme Antonina d'avoir tué leur fils dans son berceau. Avec un deuxième acte à la construction lâche, s'achevant sur une série de duos, entre le héros enchaîné et sa fille Irene – sans nier leur beauté musicale –, la platitude fanfaronne de certains ensembles comme le finale du I, l'ouvrage paie le prix de ses faiblesses. L'on ne peut cependant qu'admirer l'intensité expressive d'airs qui empruntent à l'esthétique bellinienne, sensible dans la noblesse de leur mélodie et les pizzicati des cordes qui les accompagnent. Mais le rapport filial comme la vigueur de certains passages regardent déjà vers Verdi, quand la psychologie tourmentée d'Antonina tisse une parenté entre Lucrezia Borgia, Elisabetta – Roberto Devereux – et Abigaille.

A défaut de convaincre sans réserve, Belisario s'entend comme un passionnant point de convergences stylistiques du romantisme italien. Aussi s'est-il avéré sage de respecter avec tuniques et portiques de pierre un côté traditionnel dans la mise en scène, confiée à Luigi Barilone, également chanteur. Ce n'est pas la moindre des satisfactions que d'apprécier la confiance qu'il accorde aux interprètes, les laissant exprimer la spécificité lyrique de leur aura dramatique – humilité que maint régisseur venu du théâtre ou du cinéma sacrifie à leur concept où à un naturalisme souvent étranger à l'opéra.

Confié à un baryton plutôt qu'à un ténor, le rôle-titre est remarquablement servi par Dario Solari : consistance de l'émission et de la ligne, présence naturelle – assurément une valeur à suivre dans le répertoire italien (on pourra l’entendre à Toulouse en avril prochain dans Don Pasquale. Voix souple, pianissimi fluides et belle intelligence musicale, Donata D'annunzio Lombardi éclaire les aspérités du personnage d'Antonina autant qu'elle ravit les oreilles belcantistes. Alamiro robuste, Andeka Gorrotxategui confine parfois à un vaillance passablement monolithique qui évoque Franco Corelli. Mezzo de caractère, Annunziata Vestri convainc en Irene tandis que Francesco Palmieri fait preuve en Gistiniano d'une peu séduisante mais solide autorité impériale. Les comprimari s'acquittent convenablement de leurs parties parfois ingrates, tel Andrea Biscontin, Eutropio à la cruauté nasale. A la tête de orchestre du Bergamo Musica Festival Gaetano Donizetti, Roberto Tolomelli met efficacement en évidence les couleurs demandées par la partition.

Gilles Charlassier

Donizetti : Belisario – Italie, Bergame, Teatro Donizetti, 21 septembre 2012

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Photo : DR
 

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