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"Camille Benoit, musicien" de Karol Beffa et Guillaume Métayer – Une aventure passionnante et inédite – Compte-rendu

 
De Karol Beffa, quinquagénaire surdoué, on doit attendre une chose : l’inattendu. Car cet universitaire, ce musicien polyvalent, porté par une curiosité insatiable, n’en finit pas de nous surprendre. Passant du petit écran à l’écriture et à la composition, de la fabuleuse facilité de son talent d’improvisateur pianistique à la rigueur du chercheur,  jonglant avec l’orchestre ou les voix, et tous les instruments imaginables – l’accordéon tout récemment avec son Olympia, enregistré par le phénoménal Félicien Brut chez Warner Classics – ce personnage bouillonnant, chevalier de la liberté d’expression, a concocté, après son excellent Bernard Hermann (1) une autre surprise, et de taille celle-là. Car voici réapparaître, sous la forme d’un copieux coffret : Camille Benoit musicien, une silhouette disparue des mémoires, dont on retrouve trace dans le Fantin-Latour (2) qui montre Benoit à côté de Chabrier installé au piano, et de quelques compères musiciens, dont Vincent d’Indy, tableau exposé au Musée d’Orsay et drôlement qualifié par Jacques Emile Blanche de « scène du style du Musée Grévin », par son côté rigide …
 

Karol Beffa © Amélie Tcherniak

Benoit, donc, né en 1851, élève de César Franck, qu’il vénérait, et devenu fantôme : compositeur prolifique, il fut notamment l’auteur d’un Eleison salué en son temps comme une grande œuvre. Ami intime d’Anatole France, adorateur de Wagner, qu’il défendit passionnément, amoureux de Tchaïkovski et de Grieg, grand traducteur de Goethe, il laissa aussi nombre de critiques lumineuses, au style fluide autant qu’imagé, miraculeusement peu pompier, et très clairvoyant face à l’activité musicale de son temps. Puis, brusquement, il quitta la musique pour la peinture, et finit comme Conservateur dudit département au Musée du Louvre, auquel il offrit la fantastique Nef des Fous de Jérôme Bosch - œuvre autour de laquelle Beffa a d’ailleurs écrit une pièce.
 
En compagnie de son ami Guillaume Métayer, chercheur et fin analyste de la Belle Epoque, Beffa a donc rassemblé partitions avec leur analyse, souvenirs, superbes critiques qui nous éclairent sur le dernier tiers du XIX siècle musical, en un coffret de trois volumes, Camille Benoit compositeur / À la recherche d’un polymathe oublié / Camille Benoit critique musical. Leur ouvrage de bénédictins est un choc, par sa richesse, sa nouveauté et les portes qu’il ouvre sur des tombeaux encore fermés. Beffa-Métayer, un nouveau tandem Carter-Carnarvon ?
 
Jacqueline Thuilleux
 

(1)   www.concertclassic.com/article/une-interview-de-karol-beffa-compositeur-et-auteur-de-bernard-herrmann-actes-sud-bernard
 
 (2) fr.wikipedia.org/wiki/Autour_du_piano

Camille Benoit, musicien, par Karol Beffa et Guillaume Métayer - Editions La Rumeur libre, 635 pages, 61 € 

Parmi les prochaines actualités de Karol Beffa, on notera la création de Cabot-Caboche, conte musical écrit à partir du livre de Daniel Pennac, à découvrir à la Halle aux Grains, le 19 mai, sous la direction de Philippe Béran, dans la série des concerts en famille de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse // onct.toulouse.fr/agenda/cabot-caboche/
 

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