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Castor et Pollux à l’Opéra de Dijon - La tragédie à nu – Compte-rendu

Pour ce Castor et Pollux à l’Opéra de Dijon, Emmanuelle Haïm et le metteur en scène australien Barrie Kosky, directeur de la Komische Oper de Berlin, ont choisi la version de 1754, plus ramassée et d’une concentration psychologique plus intense que celle de 1737. Le propos des interprètes vise en effet à porter à incandescence, dans un huis-clos, toutes les passions de l’âme et du corps à travers des personnages (en costumes modernes) aux émotions mises à nu.
 

© Gilles Abbeg/ Opéra de Dijon
 
Le décor de Katrin Lea Tag, compact, sobre et abstrait – la seule échappatoire consiste en un monceau de terre semblable à un coron permettant d’accéder aux Enfers – laisse libre cours à une focalisation sur une direction d’acteurs très physique, d’un expressionnisme violent, où les séquences dansées sont l’objet d’un affrontement exacerbé. Des jeux d’ombres et de lumières scandent l’action comme le rideau de scène qui tombe des cintres, différenciant les lieux et isolant chaque personnage le moment venu par rapport à un chœur (celui du Concert d’Astrée) à l’excellente tenue.
 

© Gilles Abbeg / Opéra de Dijon

L’engagement des chanteurs se situe à la hauteur de l’enjeu : leur attention au texte et à la déclamation mérite tous les éloges. En Pollux, Henk Neven familier du rôle, ardent, vibrant (superbe « Nature, amour, qui partagez mon cœur » au II) fait écho au Castor de Pascal Charbonneau, émouvant mais légèrement tendu dans les aigus. Belle voix de basse du Jupiter de Frédéric Caton accompagné par un Grand Prêtre (Geoffroy Buffière) comme sorti de Nosferatu le vampire, et apparition pittoresque du Mercure ailé d'Erwin Aros digne des Ailes du désir.
Côté féminin, la Télaïre d’Emmanuelle de Negri, frémissante et d’une belle ligne vocale, affronte la Phoebé de Gaëlle Arquez à la fureur exaltée mais parfaitement maîtrisée sur le plan vocal. Emmanuelle Haïm dirige son Concert d’Astrée avec raffinement (les bois), élégance, équilibre, souci de la clarté, attestant de son amour pour une musique qu’elle sait rendre vivante et chaleureuse.   
 Une production dont la cohérence porte la marque d’un travail en profondeur. Après Dijon, on pourra en apprécier toutes les qualités en octobre prochain à l’Opéra de Lille.  
 
Michel Le Naour
 
Rameau : Castor et Pollux - Dijon, Auditorium, 28 septembre 2014, prochaines représentations le 30 septembre, les 2 et 4 octobre 2014. Reprise à l’Opéra de Lille les 17, 19, 21, 23 et 25 octobre 2014. www.opera-dijon.fr/spectacle/castor-pollux/  / www.opera-lille.fr
 
Photos © Gilles Abbeg / Opéra de Dijon

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