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​« Combattimento, la théorie du cygne noir » au théâtre de Caen par l’ensemble Correspondances – Saisissante harmonie – Compte-rendu

 

Toucher et émouvoir, telle est la finalité de l’art baroque. Toucher et émouvoir, tel est le propos du spectacle « Combattimento, la théorie du cygne noir » (1) imaginé par Sébastien Daucé (direction musicale) et Silvia Costa (mise en scène, scénographie). Créé au festival d’Aix-en-Provence en 2021, ce magnifique programme a été repris uniquement au théâtre de Caen pour deux représentations.
 

© Monika Rittershaus

Véritable défi musical et scénographique, « Combattimento, la théorie du cygne noir » est une collection d’œuvres de l’Italie du nord des années 1640 réunie autour du chef d’œuvre du Monteverdi des dernières années, Il combattimento di Tancredi e Clorinda. Ni madrigal, ni opéra, tout à la fois fable en musique et chanson de geste confiée à un narrateur, Le combat de Tancrède et Clorinde est la démonstration éclatante du baroque : économie de moyens et effets saisissants. Tout aussi impressionnantes sont les autres pièces du programme, en particulier la première leçon de ténèbres de Tiburtio Massaino Le « Plorate colles » de Jephte de Giacomo Carissimi, O cecità del misero mortale de Luigi Rossi ou encore lee « Alle ruine del mio regno » de la Didone de Francesco Cavalli. Pour chaque œuvre, le rapport entre le texte et la musique est saisissant.
 

© Monika Rittershaus

Le spectacle n’est ni un patchwork ni un florilège d’œuvres sublimes parfaitement rendues par les chanteurs et les musiciens de l’ensemble Correspondances ; il est un tout harmonieux et fluide. Il a fallu toute la science et le goût de Sébastien Daucé pour parvenir à réunir de manière si évidente des extraits de lamentations, de madrigaux, d’airs d’opéras et d’oratorios. Profane et sacré se marient ; très moderne et très ancien (de l’époque) se fondent harmonieusement.
Le parti pris scénographique est beaucoup plus tranché. Les deux premières parties du spectacle (Combat et Lamentations) plongent le spectateur dans un univers très baroque, blanc et noir, où la pénombre et l’intimité sont de mise. La troisième partie (Soulèvement et reconstruction) est résolument contemporaine avec son groupe d’architectes travaillant sur plan et maquettes. Le contraste voulu par Silvia Costa s’avère un peu déstabilisant.

En résidence au théâtre de Caen depuis 2016, Sébastien Daucé et son ensemble Correspondances construisent patiemment une œuvre lyrique singulière. Après « Histoires sacrées », « Le Ballet royal de la nuit » et « Cupid and Death », « Combattimento, la théorie du cygne noir » marque d’une nouvelle pierre blanche ce remarquable travail.
 
Thierry Geffrotin

 (1) La théorie du cygne noir, développée par le statisticien Nassim Taleb, est une théorie selon laquelle un événement imprévisible ayant une faible probabilité de se dérouler et qui, s'il se réalise, a des conséquences d'une portée considérable et exceptionnelle.
 
« Combattimento, la théorie du cygne noir » 
Caen, Théâtre, 9 décembre 2022
 
Photo © Monika Rittershaus

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