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Compte-rendu : Cachafaz d’Oscar Strasnoy à l’Opéra comique - Cannibalesque jubilation

Jolie performance pour le végétarien qu’est l’Argentin Oscar Strasnoy (né en 1970) que Cachafaz, ouvrage lyrique sur la « tragédie barbare » éponyme de son compatriote Copi ! Créé en novembre dernier au Théâtre de Cornouaille à Quimper dans une mise en scène de Benjamin Lazar, l’ouvrage faisait halte à Favart pour deux représentations devant une salle pleine à craquer. Succès justifié car, par-delà le caractère provocant de l’argument, Strasnoy signe une très belle réussite.

Un conventillo crasseux à Montevideo dans les années 1920. La faim torture les estomacs… Survient la mort d’un policier - d’un poids plus que respectable … De cannibalesques pensées envahissent sans tarder l’esprit du travesti Raulito… Un mot de lui suffit pour que l’interdit soit franchi. La sanglante mécanique de la pièce se met en route et tous les policiers des alentours seront bientôt victimes du bel appétit des habitants du conventillo !

Attiré par le mélange entre « amusement hystérique et désolation sociale profonde » Strasnoy n’a de cesse de souligner la crudité de la langue (l’ouvrage est en espagnol), d’accentuer les contrastes de manière aussi efficace qu’ironique. Ironie envers l’opéra et ses conventions (qu’elle durera longtemps la mort de Raulito et de son Cachafaz d’amour…), ironie envers des œuvres du passé : grandiose scène d’étripage du policier, pendu par une jambe, et barbecue sur une ouverture de la Forza del destino métamorphosée, grimée de la plus insolente façon par une formation instrumentale de taille réduite (l’Ensemble 2E2M rondement mené par Geoffroy Jourdain), désopilant air du catalogue « charcutier » de Raulito – avec citation de Don Giovanni –, où quarante-deux rognons se substituent aux mille et trois conquêtes !

Dans un répertoire bien différent de celui qui a fait sa réputation, Benjamin Lazar se régale de l’hystérique et jusqu'au-boutiste fuite en avant de Cachafaz et tire le meilleur du couple formé par Lisandro Abadie, remarquable dans le rôle-titre, et par Marc Mauillon pour un Raulito d’une présence scénique incroyable. On savait beaucoup de talent au jeune baryton ; ce rôle n’en constitue pas moins une vraie révélation. Choristes des Cris de Paris parfaits en voisins et voisines du couple assassin, tout comme Nicolas Vial en policier.

Notez que janvier offrira deux occasions supplémentaires de découvrir Cachafaz, à Bourges et à Saint-Etienne, et espérons que le Comique le reprendra rapidement – la saison prochaine ?

Alain Cochard

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O. Strasnoy/ Copi : Cachafaz – Paris, Opéra Comique, 14 décembre 2010, prochaines représentations à la Maison de la Culture de Bourges, le 11 janvier, et à l’Opéra-Théâtre de Saint Etienne, le 20 janvier 2011.
Retransmission du France Musique le 24 janvier 2011 (20h)

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Photo : DR

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