Journal
Compte-rendu : Danse avec le robot - « Sans objet » d’Aurélien Bory
Jeune patron de la Compagnie 111, le Toulousain Aurélien Bory n’est pas un inconnu pour le public du Théâtre de la Ville qui a déjà plusieurs fois eu l’occasion de goûter à des créations où théâtre, cirque, danse et arts visuels se mêlent de singulière façon. Présenté à Toulouse l’an dernier « Sans objet » y avait fait un certain bruit et l’on attendait avec impatience la venue du spectacle sur la scène des Abbesses. Spectacle ? « Objet Visuel et Sonore Non Identifié » vaudrait-il mieux dire. Impossible de décrire par les mots ce qu’Aurélien Bory obtient du robot industriel et des deux danseurs-acrobates (Olivier Alenda et Olivier Boyer) qu’il en met en scène. « En dehors de tout but, de toute fonction, la danse entre le corps de l’homme et celui de la machine donne lieu à un théâtre mécanique entre la fragilité de l’humain et la puissance du bras métallique articulé. Placé au centre, au milieu d’un vide, complètement sorti de son contexte industriel, le robot devient inutile. Et dans sa fonction perdue ne nous rappellerait-il pas la nature de l’art : être absolument sans objet ? », interroge Bory.
Le fruit de sa réflexion est petit miracle d’imagination, d’une puissance visuelle rare et d’une richesse poétique débordante. Sur la musique minimaliste et répétitive de Joan Cambon, tous le registre des atmosphères est exploré, de l’oppressante vision du robot bâché dans la mystérieuse pénombre du début jusqu’à des moments franchement drôles, cocasses ou surréalistes – on sait avoir le(s) bras long(s) ici ! Les soixante-dix minutes de ce spectacle réglé avec une précision millimétrique – chapeau aux deux danseurs et à Tristan Baudoin qui pilote le robot avec une virtuosité sidérante ! -, ne comportent pas un temps mort, pas un instant de « délayage » : chaque objet, chaque mouvement compte et s’intègre à un propos aussi fluide que concis qui sollicite continûment l’imaginaire du spectateur. Deux humains et un robot ? La troublante sensualité avec laquelle Bory utilise, humanise ce dernier prouve que les choses ne sont pas si simples… Vous le comprendrez en voyant l’étrange « chose » vous fixer, droit dans les deux ! A chacun d’imaginer ce que sont ces coups sourds derrière la bâche tendue... Une chose est sûre : sacré coup de poing de beauté que le travail du faiseur d’images qu’est Aurélien Bory !
Quant aux metteurs en scène qui se grattent souvent la tête pour résoudre, avec des succès variables, les problèmes posés par certains ouvrages (on songe au monstre de Siegfried en particulier), ils devraient s’intéresser à l’auteur de « Sans objet »…
Alain Cochard
« Sans objet », d’Aurélien Bory – Paris -Théâtre des Abbesses, le 24 février, puis jusqu’au 6 mars 2010. Infos : 01 42 74 22 77
Photo : Aglaé Bory
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