Journal

Compte-rendu : L’élégance joyeuse - Riccardo Muti dirige l’Orchestre National

C’est fou ce qu’un orchestre peut varier d’un chef à l’autre (à l’exception, dit-on, du Philharmonique de Berlin, mais permettez moi d’en douter… par expérience !) Bref, ce n’est pas le même Orchestre National de France qu’on a entendu le 15 janvier au Théâtre des Champs Elysées dans un programme marqué au sceau de l’Espagne sous la baguette aérienne de Riccardo Muti que celui qu’on avait écouté huit jours avant sous la direction besogneuse de son compatriote Daniele Gatti. Tout cela n’a rien de surprenant : c’est la vie…

Certes, l’entente a toujours été parfaite entre les musiciens du National et Riccardo Muti, comme avec Seiji Ozawa ou Bernard Haitink. Inutile de regretter que nos fonctionnaires de la culture n’en aient nommé aucun à la tête du National : ils ont bien trop peur que le charisme du chef ne fasse de l’ombre à leur petit pouvoir ! Raison de plus pour savourer le passage à Paris des vrais grands maestros. L’hispanisme des compositeurs français de la fin du XIXe siècle est subliment illustré par un España d’Emmanuel Chabrier paré d’enjouement bon enfant dans le plus parfait respect du style français, ainsi que par la Rhapsodie espagnole et l’illustrissime Boléro de Ravel où l’élégance ne tue jamais l’élan et la vie.

De la vie, il y en eut à revendre dans la 2e Suite du Tricorne de Manuel de Falla. Car même si Muti a l’estocade toujours suprêmement élégante, ce Napolitain vif-argent réussit à nous rappeler, discrètement, quelle fut l’influence espagnole sur le royaume de Naples. Mais à ce degré, c’est de la consanguinité. La seconde moitié du XXe siècle fut brillamment représentée par le Concerto pour harpe de l’Argentin Alberto Ginastera exalté par un merveilleux soliste français, Xavier de Maistre. D’ailleurs, les sages Philharmonistes de Vienne ne s’y sont pas trompés : ils ont enrôlé notre jeune compatriote dans leurs rangs dès 1998. Il joue ici une grande harpe amplifiée et peut ainsi se mesurer à armes égales aux timbres de l’orchestre et faire exploser le bel aujourd’hui venu du Nouveau Monde. Une très grande soirée !

Jacques Doucelin

Paris, Théâtre des Champs Elysées, 15 janvier 2010

Vous souhaitez répondre à l’auteur de cet article

Lire les autres articles de Jacques Doucelin

Photo : DR
 

Partager par emailImprimer

Derniers articles