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Compte-rendu : Luisa Miller à l'Opéra Bastille - Une leçon de Belcanto


Passons sur le spectacle joli mais sans théâtre de Gilbert Deflo : cette Luisa Miller au pays de Heidi se regarde pour s’oublier. Mais si l’œil se faisait paresseux en cette matinée, l’oreille elle était en émoi.

Admirable distribution – à l’exception d’un Wurm fâché avec la justesse (Arutjun Kotchinian, en méforme) – où le couple d’amoureux déduit par Schiller des Roméo et Juliette de Shakespeare donnait une leçon de pur belcanto comme Paris n’en avait pas entendue depuis quelques lustres.

Dire que Krassimira Stoyanova fait voir derrière le lyrisme de Luisa un art qui doit beaucoup au premier opéra romantique - et d’abord à Linda di Chamonix – est un euphémisme. Non seulement elle fond le personnage dans la tradition des héroïnes chères à Donizetti et à Bellini, de Somnambula à Lucia, mais elle en déploie toutes les subtilités : sa syntaxe musicale, son vocabulaire émotionnel, rappellent l’art de Mariella Devia, une certaine véhémence en moins, mais c’est le personnage qui veut ce léger retrait. Admirable, étourdissant, stupéfiant.

Entraîné par sa Luisa, Marcelo Alvarez se surpasse dans l’excellence, soignant son chant, le faisait plus orthodoxe que jamais, pliant ses phrases aux stricts préceptes du belcanto le plus pur. Son Rodolfo est le modèle que l’on attendait depuis celui fixé par le jeune Pavarotti.

Très touchant Miller selon Frank Ferrari, terrible et sombre Walter d’Orlin Anastassov, et une merveille : la Federica subtile, élégante, chaleureuse de Maria José Montiel.

Orchestre parfait, dirigé sur les pointes par Daniel Oren, qui le tire plus vers Weber – la partition est cousue de solos de clarinette magique, chapeau devant le soliste de l’Orchestre de l’Opéra – que vers les canons de l’opéra italien, lui donnant une dimension lyrique supplémentaire.

Une vraie fête pour les amoureux du grand répertoire lyrique, et une des plus belles interprétation de Luisa Miller qu’il nous ait été donné d’entendre. Vous aurez compris qu’il faut y courir.

Jean-Charles Hoffelé

Verdi, Luisa Miller

Paris, Opéra Bastille le 13 mars

Les 17, 20, 24, 26, 29 mars. Le 1er avril

www.operadeparis.fr

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Photo : DR

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