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Compte-rendu : Rusalka à l’Opéra National de Lorraine - Féerie au muséum


Une salle d’un muséum d’histoire naturelle ; trois vitrines, au fond une grande peinture sylvestre : roche mousseuse, pin, biche et jeune fille blonde au premier plan. L’heure de la fermeture approche ; la bibliothécaire – formes généreuses, chignon, lunettes, air revêche – presse les dernières personnes de prendre le chemin de la sortie, tandis que bientôt se termine l’ouverture de Rusalka. Dans un musée libéré de ses visiteurs, la blonde représentation du tableau s’apprête à prendre vie…

Pour sa première mise en scène en France, le jeune et talentueux Jim Lucassen a pris le parti de situer très précisément le lieu et les temps féeriques dans lesquels se déroule l’action du chef d’œuvre lyrique d’Antonin Dvorak. Pari aussi séduisant que réussi, dont l’originalité se situe à l’opposé de l’esthétisme très – trop – léché de Robert Carsen à l’Opéra Bastille il y a quelques années. Au monde de Rusalka s’opposera, au II, celui du prince (transformé ici en directeur de musée) : une salle au décor moderne et froid où s’expose le gigantesque squelette d’un animal préhistorique que les visiteurs découvriront au moment du « bal-vernissage ».
En préservant la fraîcheur du conte mis en musique par le Tchèque, Lucassen livre une conception d’une grande fluidité, où la tendresse, l’humanité du regard laissent place à une dimension comique assumée. Largement appuyée sur la Jezibaba (alias Madame la bibliothécaire) pleine de tempérament – doux euphémisme… - de Lenka Smidova, elle nous vaut par ailleurs un début d’Acte II gentiment lubrique avec un garde chasse et un cuistot fort inspirés par une phallique côte de la préhistorique bestiole (scène où Igor Gnidii et Blandine Staskiewicz s’en donnent à cœur joie).

Portée par la direction à la fois précise, poétique et fouillée de Christian Arming à la tête de l’Orchestre maison, cette Rusalka nancéenne est un ravissement. Découverte pour beaucoup de spectateurs, Inna Los – retenez ce nom ! - défend une conception émouvante du rôle-titre, nuancée, musicale, attentive aux mots, et préserve continûment un halo de mystère autour de son personnage. Face elle, ce sera notre bémol, le prince de Ludovit Ludha, timbre anonyme et aigus trop serrés, est le point faible de la distribution, même s’il fait face avec une indéniable vaillance aux exigences de son rôle. On aime en revanche la rondeur bonhomme du Vodnik d’Andrew Greenan et l’insolente assurance de la Princesse étrangère d’Hedwig Fassbender. Les trois esprits de la forêt (Yung Jung Choi, Khatouna Gadelia et Silvia de La Muela) et le chœur n’appellent que des éloges.

Ceux qui n’ont pu découvrir la Rusalka du metteur en scène néerlandais à Nancy auront la possibilité de se rattraper à l’Opéra de Montpellier (coproducteur du spectacle) au début de la saison prochaine.

Alain Cochard

Dvorak : Rusalka – Nancy, Opéra National de Lorraine, le 30 septembre, prochaines représentations les 5 et 7 octobre 2010

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