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Coup de coeur Carrefour de Lodéon & Concertclassic - Bombay - Nantes - Séoul - Une interview d’Henri Demarquette


Musicien globe-trotter qu’Henri Demarquette en ce moment. De retour d’Inde et avant une tournée du Festival de Prades en Corée fin février, le violoncelliste, grand habitué de la Folle Journée, retrouve la manifestation nantaise pour plusieurs concerts de musique française où le célèbre côtoie la rareté.

Comme s’est passée votre récente tournée en Inde ? Quelle est l’attitude du public indien envers la musique classique occidentale ?

Henri Demarquette : C’est la troisième fois que je me rends en Inde. J’y ai établi une sorte de pont et noué des liens avec de vrais amateurs de musique, très cultivés. Ces mélomanes appartiennent à l’ethnie parsie. La musique classique occidentale a une place particulière en Inde dans la mesure où ce pays a sa propre musique classique. On y considère « notre » musique classique avec grand intérêt mais pas comme s’il n’y avait que cela au monde.

Cette-fois ci je jouais à Bombay et à Poona : j’ai souhaité m’y rendre avec Dmitri Sitkovetsky et Gérard Caussé car je tenais à interpréter les Variations Golberg dans la transcription pour trio à cordes de Dmitri Sitkovetsky. Il a réalisé cette transcription il y a une trentaine d’années et elle l’accompagne depuis ; il l’a ouvragée avec un soin et une intelligence incroyables. Gérard Caussé avait participé à l’époque à la création de cet arrangement et je tenais aussi à l’avoir à mes côtés.

Mon choix s’est porté sur les Goldberg car il s’agit d’une œuvre de près d’une heure, donc très liée au temps. Je me suis dit qu’elle trouverait un écho particulier chez un public indien qui a justement l’habitude d’entrer dans des musiques où le temps s’allonge. Ça a été un très grand moment, à marquer d’une pierre blanche dans ma vie de concertiste.

Restons sur vos activités à l’étranger : fin février vous partez en Corée dans le cadre d’une tournée du Festival de Prades, avec des musiciens tels que Gérard Poulet, Avri Levitan, Michel Lethiec, Ralf Gothoni, etc. …

H. D. : Je suis ravi de retourner dans un pays où je ne me suis pour l’instant produit qu’une seule fois. J’avais aimé ce premier contact avec les Coréens ; ce sont un peu des « méditerranéens », très chaleureux et directs. Participer à cette tournée du Festival de Prades en Corée me touche et réveille de très beaux souvenirs car, enfant, j’ai eu l’occasion d’assister à beaucoup de concerts du Festival dans ce lieu magique qu’est l’Abbaye Saint-Michel de Cuxa.

L’année 2013 me donne l’occasion de beaucoup voyager. Après l’Inde et la Corée, je me rendrai en Russie, au Japon, à Berlin.

Votre tournée en Corée comprend des master classes. Quelle est votre attitude vis à vis de la pédagogie à ce stade de votre parcours ?

H. D. : Je n’avais plus fait de master class depuis sept ou huit ans et j’ai souhaité m’y remettre. Il y aura la Corée bientôt, mais aussi, à la fin de l’été, l’Académie Maurice Ravel de Saint-Jean-de-Luz où je vais prendre la suite de Gary Hoffman. L’Académie Ravel représente beaucoup pour moi. J’y ai été étudiant autrefois et je suis heureux et flatté de pouvoir recommencer à enseigner dans un tel cadre.

Venons-en à votre actualité immédiate et à la Folle Journée à laquelle vous participez cette année en musique de chambre et en concerto. Qu’éprouvez-vous à l’approche de cette manifestation dont vous êtes un habitué ?

H. D. : J’avais participé à une Folle Journée musique française il y a une douzaine d’années environ et, depuis, je suis régulièrement revenu à Nantes, toujours avec un grand plaisir. Il est réjouissant de voir cette fête de la musique, l’enthousiasme des gens, le bonheur qu’ils ont d’aller d’un concert à l’autre. L’entreprise de René Martin force l’admiration.
Le répertoire que je vais aborder cette année représente bien ce que j’aime. Une cheval de bataille tels que le Concerto en la mineur de Saint-Saëns, que j’ai enregistré pour Mirare, côtoiera de la musique de chambre avec des partenaires tels que Boris Berezovsky, Olivier Charlier, Claire Désert, etc., que je me réjouis de retrouver. Il aura aussi des partitions plus rares, de Charles Koechlin, de Jean Cras. J’aime faire découvrir des œuvres totalement oubliées et j’ai eu l’occasion d’enregistrer des pages de Cras, Gaubert, Ropartz etc. pour Timpani. Dans le répertoire français méconnu, j’avoue une admiration particulière pour la musique de Jean Cras.

Une Folle Journée 2013 où vous ne retrouverez pas, hélas, l’une de vos partenaires de prédilection : Brigitte Engerer…

H. D. : Brigitte était une figure de la Folle Journée et je suis certain que son nom sera souvent prononcé et que l’on pensera beaucoup à elle cette année. Nous avons joué énormément ensemble à Nantes. Je viens de participer à une émission d’hommage qui sera diffusée en différé (le 12 mars) sur France Musique et j’ai pu, une fois de plus, mesurer combien elle demeure présente dans le cœur du public…

Les semaines qui viennent seront l’occasion de vous entendre en compagnie de deux pianistes, Alain Planès et Boris Berezovsky. Parlez-moi de votre relation musicale avec ces deux artistes aux tempéraments très différents.

H. D. : J’ai rencontré Alain il y a très longtemps aux Etats-Unis, au Festival de Marlborough. J’adore travailler avec lui car on prend le temps de rentrer dans les partitions. Il sort toujours un manuscrit, une première édition, une lettre en rapport avec ce que l’on est en train de jouer ; on passe du temps à répéter, bien sûr, mais aussi à explorer ce qui se passe autour de la musique, à parler de peinture, etc. Ce sont toujours des moments de grande poésie. Et puis nous avons en commun Janos Starker, avec lequel il a beaucoup joué, et qui été l’un de mes professeurs.

Quant à Boris, je l’ai connu grâce à Brigitte Engerer. Musicalement ce sont des horizons illimités, en termes de piano, de musicalité, d’expression, de grandeur. C’est exceptionnel que de pouvoir travailler avec lui. Et puis, c’est toujours la même chose avec des artistes tels que celui-là : on ne les voit pas forcément tels qu’ils sont. De Rostropovitch, on disait « quelle bête de scène », etc., mais derrière cette apparence il y avait une sensibilité extraordinaire, une finesse, une intelligence dont on parle finalement assez peu. C’est la même chose chez Boris, physique impressionnant quant on le voit entrer sur scène, mais être d’une culture et d’une curiosité immenses, capable d’un jeu d’une subtilité incroyable.

Propos recueillis par Alain Cochard, le 23 janvier 2013

Henri Demarquette à la Folle Journée de Nantes

30, 31 janvier, 1er, 2 et 3 février 2013

www.follejournée.fr

Tournée du Festival de Prades en Corée

Du 20 février au 1er mars 2013

www.prades-festival-casals.com

En récital avec Boris Berezovsky


Œuvres de Brahms, Liszt, Duparc, Debussy, Ravel & Prokofiev

12 février – 20h 30

Avignon – Opéra Théâtre

www.opera-avignon.fr

7 mars – 20h

Œuvres de Mendelssohn, Britten & Rachmaninov

Belgique / Charleroi – Palais des Beaux Arts

www.charleroi-culture.be

En récital avec Alain Planès

Oeuvres de Zemlinsky, Webern & Strauss

15 mars – 20h30

Limoges – Opéra Théâtre

www.operalimoges.fr

Site du Wigmore Hall : www.wigmore-hall.org.uk

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Photo : DR

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