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Dagmar Saskova et l’Ensemble Il Festino au Festival de Lanvellec – D’un feu secret – Compte-rendu
Soirée inaugurale sous le signe de Louis XIV au Festival de Lanvellec, mais le tricentenaire de la mort du monarque n’aura aucunement été synonyme de pompe lulliste lors du concert donné en l’église de Prat – un lieu qui prouve que le festival rayonne très largement dans le Trégor. C’est plutôt du côté du jeune roi que l’Ensemble Il Festino regarde avec un choix d’airs de cour signés Michel Lambert, Maître de musique de la Chambre du Roy, et Sébastien Le Camus, Surintendant de la musique de la Reine Marie-Thérèse.
Ce répertoire intimiste et raffiné est certes pleinement à sa place dans l’acoustique assez idéale de l’église de Prat, mais, outre les qualités des interprètes, l’intelligence et l’équilibre dont Manuel de Grange et son équipe ont fait montre dans la construction de leur programme auront grandement contribué à son succès auprès d’un public nombreux.
Airs solistes et duos se mêlent en effet et préviennent tout risque de monotonie, trois pages instrumentales (une Chaconne de Sainte-Colombe tirée du Concert n° 45 « Le Rapporté », un Prélude de Robert De Visée et une Passacaille de Louis Couperin) venant de surcroît aérer le déroulement d’un concert en une partie.
Francisco Manalich et Dagmar Saskova © Marie-Honorine Buisset
Dès « Rochers, vous êtes sourds », la richesse de la voix de Dagmar Saskova séduit l’oreille, autant que le caractère d’un chant qui fuit la préciosité pour faire ressentir le « feu secret » - pour faire référence à une autre pièce de Lambert que la chanteuse interprétera un peu plus loin - qui habite des pages où amour et mal d’amour sont omniprésents. Au côté de la soprano, Francisco Manalich donne la mesure de son talent puisqu’il est, en alternance, gambiste et ténor. L’artiste chilien fait sa première intervention vocale avec « Il n’est rien dans la vie » de Le Camus : sa voix souple et son timbre ensoleillé conviennent parfaitement au genre de l’air de cour et s’apparient on ne peut mieux avec la couleur vocale de D. Saskova. «Fuyons cette rive charmante » de Le Camus, le dialogue d’Antoine et Cléopâtre ou « Ah, puisque la rigueur extrême » de Lambert traduisent une totale complicité entre les deux solistes, partagée par les instrumentistes qui les entourent.
Mais l’émotion n’est pas moins présente dans les airs en solo, tel ce prégnant « Laissez la durer la nuit » de Le Camus où Manalich donne la mesure de son sens poétique, soutenu par l’expressif théorbe de Manuel de Grange,
Après la lumineuse Passacaille en ut majeur de Louis Couperin, défendue avec énergie par Felipe Guerra, la soirée parvient à son apothéose avec trois pièces de Lambert. Intensément vécu par D. Saskova, «Ombre de mon amant » précède deux duos : « Ah, qui voudra désormais s’engager » et « Douce Félicité », dont l’ultime vers, « Amour est le seul mal dont on se plaint ici », résume l’esprit d’un programme défendu avec la chaleur, l’élégance et le « feu secret » qui font le charme de ces airs de cour. Voilà qui augure du meilleur pour la suite du 29ème Festival.
Notez enfin que l’Ensemble Il Festino sera en concert le 17 novembre à Louveciennes (salle Camille Saint-Saëns) et le 20 novembre à Paris (église des Billettes) : deux proches occasions de retrouver un jeune ensemble baroque à suivre attentivement.
Alain Cochard
Prat, église Saint-Pierre, 9 octobre 2015
29ème Festival de Lanvellec, jusqu’au 25 octobre 2015-10-13 / www.festival-lanvellec.fr
Site de l’Ensemble Il Festino : www.ensembleilfestino.com
Photo © Marie-Honorine Buisset
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