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Die Fledermaus selon Waut Koeken à l’Opéra national du Rhin - Nuit d’ivresse - Compte-rendu

Révélé à l’Opéra national du Rhin par un séduisant Aladin et la lampe merveilleuse de Nino Rota (dans le cadre de l’Opéra Studio de Colmar) en 2009-2010, Waut Koeken était de retour à Strasbourg la saison dernière pour L’Enlèvement au Sérail de Mozart. Le jeune artiste belge serait-il en train de devenir l’un des metteurs en scène fétiches de l’institution lyrique alsacienne ? On ne peut en tout cas que se féliciter de la fidélité qu’elle lui témoigne après avoir découvert La Chauve-Souris qu’il signe avec le concours précieux de Yannik Larivée (décors) et Susanne Hubrich (costumes).

« A la fois inconsistante dans la dramaturgie mais véritable miroir d’une époque. La musique est très profonde, mais insaisissable et cachée. On y trouve une certaine tristesse mêlée de mélancolie et de gaité», dit Waut Koeken de l’oeuvre de Johann Strauss fils. Et d’en tirer les conséquences dans un univers visuel qui, comme le revendique le metteur en scène, « évoque plutôt que d’illustrer ».

Hormis pendant un intermède « alsacien » avec le truculent Frosch de Jean-Pierre Schlagg au début du III, Die Fledermaus selon Vaut Koeken dépasse la dimension « opérette pour la période des fêtes » pour plonger le spectateur dans une atmosphère très onirique. Une option convaincante qui s’épanouit pleinement lors de la soirée chez Orlofsky. Dès le commencement du II, le champagne produit pleinement ses effets et tout l’acte est pris dans un vertige teinté d’érotisme. La nuit, les masques, les bouteilles qui se vident ; il s’en faut de peu pour que la « grande assemblée faite de sœurs et de frères » comme la décrit Falke ne dérape... Tout l’art de Koeken est de jouer sur les ambiguïtés au moyen d’une direction d’acteur très mobile, jamais brouillonne. L’ivresse s’empare même à un moment des grands lustres – dont ont retrouvera quelques uns métamorphosés en cellules de prison suspendues au dernier acte.

Très homogène, la distribution réunie par l’Opéra du Rhin constitue un autre atout de poids dans la réussite de cette Fledermaus. Aussi merveilleux chanteur que comédien, Thomas Oliemans incarne un assez irrésistible Gabriel au côté de la Rosalinde racée de Jocelyn Wagner. D’une vibrionnante légèreté, Hendrickje Van Kerkhove campe une épatante soubrette et Christian Baumgärtel (Alfred) compense un relatif manque d’éclat par l’intelligence musicale et scénique de sa prestation. Isabelle Druet répond à la conception de Waut Koeken dans une incarnation troublante et distanciée d’Orlofsky, tandis que le Frank de Rainer Zaun, le Falke de Wiard Withald et drôlissime Blind de Lars Piselé ne ratent pas leurs effets.

A la tête du Philharmonique de Strasbourg, Roland Boër aborde la musique de Strauss avec chic, tonus et lyrisme. Il sait aussi lui apporter la respiration nécessaire pour qu’elle s’épanouisse pleinement et fasse corps avec le séduisant travail d’un metteur en scène qui sait écouter la musique.

Alain Cochard

Strauss fils : Die Fledermaus – Strasbourg, Opéra national du Rhin, le 17 décembre. Prochaines représentations les 19, 26 et 27 décembre 2011, puis à Mulhouse (La Sinne) les 4, 6 et 8 janvier et à Colmar (Théâtre Municipal) le 20 janvier 2012. www.operanationaldurhin.eu

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Photo : Alain Kaiser
 

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