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Dutilleux, Hersant et Berlioz par l’Orchestre de Paris et son Chœur - En demi-teinte - Compte-rendu
Beau programme, que celui présenté dans la grande salle de la Philharmonie par l’Orchestre de Paris, aux fins de célébrer grandement les quarante ans de son chœur. La Deuxième Symphonie « Le Double » de Dutilleux et la création de La Lumière et l’ombre de Philippe Hersant, commande de l’orchestre, tiennent ainsi compagnie au Te Deum de Berlioz. Une manière appropriée de marquer l’événement avec des œuvres de musiciens français et… parisiens !
La symphonie de Dutilleux, crée en 1959 à Boston sous la direction de Charles Munch (qui fut le premier directeur musical de l’Orchestre de Paris), est déjà un classique. Sa formule, qui conjugue grand orchestre et un groupe de douze solistes représentant chaque famille instrumentale, à mi-chemin entre symphonie et musique de chambre (d’où le titre de l’œuvre), se prête à une lecture fouillée. Ici bien rendue sous la battue de Bertrand de Billy (photo), dans une parfaite cohésion et de belles couleurs chatoyantes, auxquelles cependant la fougue que l’on aurait espérée fait quelque peu défaut.
Philippe Hersant © Radio France / Christophe Abramowitz
Après l’entracte, le dispositif se modifie, ajoutant à l’orchestre sur le plateau un nombre imposant de choristes distribués sur les gradins d’arrière-scène. Puisque l’objet de la commande à Philipe Hersant prévoit l’effectif du Te Deum de Berlioz, avec 300 choristes dont 105 enfants, venus du Chœur de l’Orchestre de Paris, de son Chœur d’enfants et son Chœur de jeunes. La brève cantate d’Hersant, sur le texte du poème de Novalis Le Chant des morts, se révèle extrêmement séduisante, comme de coutume chez ce compositeur, dans des accents voluptueux et une atmosphère de houle marine qu’appelle son sujet.
Puis vient le déploiement, avec le Te Deum en guise d’apothéose. La mise en place de cette œuvre complexe et multiple serait sans reproche, parmi les interventions exaltées et recueillies des différentes tessitures vocales et instrumentales, mais on reste néanmoins un peu sur sa faim.
À cette restitution propre et lisse, on aurait aimé le soulèvement d’une direction plus fouettée que celle trop souvent placide de Bertrand de Billy et sa battue aux gestes symétriques. Avec pour conséquence un résultat sonore en demi-teinte, entre deux eaux, à l’instar de l’apathie des premiers violons opposés singulièrement à des seconds violons, eux sur des charbons ardents.
Lionel Sow @ DR
Les chœurs, soigneusement préparés par Lionel Sow, s’affirment efficients et équilibrés (le passage a capella qui clôt le Te ergo quæsumus), bien que l’appoint des enfants répartis comme il se doit en deux groupes distincts en hauteur se perçoive mal (effet acoustique du lieu ?). L’orgue (dont on ne sait le titulaire, totalement oublié par le programme de salle) intervient à contrepoint et point nommé dans un juste équilibre.
Benjamin Bernheim constitue quant à lui la belle surprise de soirée, avec son émission de ténor ferme depuis le fond de plateau, et une expression nuancée et sentie. Il n’en demeure pas moins que l’ensemble, sans véritable défaut notable, mais non plus sans réelles terreurs ni intériorités, n’emporte pas la complète adhésion. Un Te Deum digne, certes. Mais la seule dignité ne suffit peut-être pas en la matière. Une matière de l’œuvre « difficile d’accès », selon Henry Barraud, il faut bien croire…
Pierre-René Serna
Paris, Philharmonie, Grande Salle Pierre Boulez, 21 janvier 2017.
Photo Bertrand de Billy © Marco Borggreve
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