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​En compagnie Karine Lethiec et Graziane Finzi au Festival Jeunes Talents 2022 – Pour l’amour du jeu – Compte-rendu

Sa programmation comporte certes quelques rares récitals, mais il reste que la musique de chambre constitue depuis l’origine d’ADN du Festival Jeunes Talents : la 22e édition de la manifestation ne déroge pas à la règle. Dès le départ, ce goût du partage musical s’est manifesté au cours d’une soirée imaginée par Karine Lethiec (altiste et directrice artistique de l’Ensemble Calliopée) et la compositrice Graciane Finzi : deux artistes qu’unit une très longue amitié musicale.
Placé sous l’intitulé « l’amour & la vie d’une femme », le programme mêlait des compositions de Rebecca Clarke, Robert et Clara Schumann, Graciane Finzi et Milena Dolinova (dans l’arrangement de Krystof Maratka).
 

Karine Lethiec et Graciane Finzi © Rafael Artissian
 
La féminité, l’amour conjugal constituent les fils conducteurs d’un concert qui s’ouvre sur du Rebecca Clarke (1886-1979), compositrice et altiste britannique d’abord connue pour son unique – et admirable – Sonate pour alto. On découvre ici la Dumka qu’elle écrivit en 1940 en hommage à Brahms, prégnante pièce empreinte de folklore imaginaire qui permet à Yan Maratka (clarinette), Karine Lethiec et David Maratka (piano) d'installer d’emblée une belle complicité musicale – et une relation directe avec le public, ce morceau, à l’instar de ceux qui suivront, étant précédé de quelques mots de présentation des interprètes. Karine Lethiec s’empare ensuite de Und die Zeit vergeht (Et le temps passe) de G. Finzi et s’attache, avec l’autrice au clavier, à rendre palpable dans une prenante osmose l’écoulement heureux des jours au sein d’un couple que traduit cette pièce.
 
Pas de voix pour les deux extraits (nos 1 et 2) de L’Amour et la Vie d’une femme de Schumann mais, par les mêmes interprètes, une profonde vocalité de l’archet et la chaleur d’un piano qui traduisent l’élan intérieur de la musique. C’est là une introduction parfaite au trio à cordes L’amour et la vie d’une femme que G. Finzi composa en 1995 à la demande du musée Maurice Denis de Saint-Germain-en-Laye. Le cycle Frauenliebe und Leben du compositeur allemand a inspiré au peintre une frise décorative en sept volets : de celle-ci G. Finzi est partie pour élaborer une partition en trois mouvements, synonyme de transparence et de concentration. Deux jeunes archets d’une vingtaine d’années, Bartu Elçi-Özsoy (violon) et Albert Kuchinski (violoncelle), s’associent à Karine Lethiec dans une interprétation d’une grande finesse de détail, qui permet à la chanterelle du violoniste de donner la mesure de son irradiante pureté.
 
Bartu Elçi-Özsoy (violon) et David Maratka (piano) © Rafael Artissian

L’artiste d’origine turque ne séduit pas moins dans les Romances op. 22 nos 2 et 3 de Clara Schumann – compositrice qui ne pouvait faire défaut à un tel programme. Après le n° 1 du cahier, auquel Yan Maratka apporte son jeu de velours et d’ambre, le clarinettiste cède la place au violoniste pour les deux derniers morceaux, vécus avec un naturel et une simplicité auxquels participe le jeu aussi précis que sensible de David Maratka. Ce dernier ne se distingue pas moins dans les Phantasiestücke op. 73 de Robert Schumann, triptyque partagé lui aussi entre la clarinette tendre et expressive de Yan Maratka (n° 1) et le violoncelle plein de vie, de cœur et d’étonnement d’Albert Kuchinski.
En réponse à la Dumka introductive, la Csardas n° 5 de Krystof Maratka (un arrangement de thèmes collectés par Milena Dolinova) conclut. Karine Lethiec y rejoint les jeunes violoniste, clarinettiste et pianiste et tous (photo) emportent la pièce avec un feu et un souffle euphorisants. Jusqu’à dernière note, le plaisir du jeu collectif aura régné en maître !
 
Le Festival Jeunes Talents se prolonge jusqu’au 23 juillet et les occasions de découvrir nombre d’interprètes pleins d’avenir ne manqueront pas. Notez que, pour cause de travaux à l’hôtel de Soubise, les concerts se déroulent pour leur très grande majorité dans l'église Sainte-Croix-des-Arméniens de la rue du Perche.

Alain Cochard

Paris, église Sainte-Croix-des-Arméniens (13-15 rue du Perche/75003), 5 juillet 2022 / Festival Jeunes Talents jusqu'au 23 juillet : www.jeunes-talents.org/concert/festival/festival-en-bref/
 

Photo © Rafael Artissian

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