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Fabien Gabel dirige l’Orchestre de Paris – Rareté, opulence, onirisme – Compte-rendu
« Rêves d’Orient » : le titre du programme, inscrit dans le cadre du 6ème Festival Palazzetto Bru Zane à Paris, s’illustre à merveille dans la Shéhérazade de Ravel que l’on découvre ensuite, avec la soprano Measha Brueggergosman. Pas une voix « accompagnée par » un orchestre : on est d’emblée frappé par l’osmose, la relation fusionnelle qui s’établit entre une chanteuse au timbre plutôt mat – ce qui n’a rien d’un reproche – et un orchestre dont le chef soigne la foisonnante poésie avec un art consommé, sans jamais rien surexposer, bien aidé par la beauté de l’harmonie dont il dispose. Résultat puissamment onirique et séduisant. Il ne l’est pas moins dans la 2ème Suite de Padmâvâti d’Albert Roussel où le mystère le dispute à la sensualité et à la vitalité rythmique.
« Légende dansée » de Claude Debussy, Khamma fut orchestrée par Charles Koechlin en 1913 à la demande du compositeur et ne connut qu’une création posthume sous la direction de Pierné en 1924.(1) Rarissime dans les programmes, la pièce n’a certes rien de très « public » mais ... quelle merveille ! Sombre, on ne la savoure que mieux quand les interprètes savent, c’est le cas ici, la restituer comme recouverte d’un voile de mystère, avec, sous-jacent, un foisonnement des détails d’une précision et d’une intensité remarquables.
Grand moment enfin pour conclure avec la 2ème Suite d’Antoine et Cléopâtre de Florent Schmitt, tirée d’une musique de scène écrite en 1920 pour une représentation de la pièce éponyme de Shakespeare (traduite par André Gide). Destinée à un effectif très imposant, la musique est servie par un chef qui – la remarque vaut pour l’ensemble du concert – sait jouer le jeu d’une partition opulente, dans le mystérieux comme dans l’orgiaque, sans jamais céder à quelque forme de narcissisme sonore. Musique somptueuse, imagée, enivrante, que Fabien Gabel tenait à voir figurer dans le programme. On lui en sait gré ! Il serait temps que, à l’orchestre comme en musique de chambre ou au clavier (les pianistes ont de quoi faire, ne serait-ce qu’avec Ombres), l’un des très grands maîtres français du XXe siècle soit enfin reconnu à sa juste valeur.
Temps aussi que des programmes français découvreurs de ce genre deviennent plus naturels et spontanés de la part de nos phalanges. Bref, un peu moins de masochiste dédain envers les trésors de notre répertoire symphonique ...
Alain Cochard
Paris, Philharmonie, Grande Salle, 9 juin 2018
Photo © Nikolai Schukoff
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