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Festival d'Ambronay - Mozart revisité - Compte-rendu

En confiant les clefs du Requiem de Mozart à Leonardo García Alarcón, le Festival d'Ambronay, où le chef argentin est en résidence depuis trois saisons – et les spectateurs, accourus en nombre au point de rendre nécessaire une seconde soirée – savaient que nous n'aurions pas droit à une « énième » lecture.

Celle qu’il nous est donné d'entendre dans la nef de l'abbaye s'appuie sur un examen des différentes versions composées pour achever la partition. Outre quelques corrections d'orchestration réalisées par Franz Beyer pour pallier la hâte de Süssmayer, les sections écrites par l'élève afin de compléter l'ouvrage selon les canons de la liturgie – le Sanctus et le Benedictus – ont été écartés, suivant l'avis du musicologue Richard Munder, lequel a en revanche écrit une imposante double fugue sur l'Amen à la fin du Lacrymosa à partir d'un fragment retrouvé à Berlin en 1960, et dont on découvre la parenté avec d'autres pages contrapuntiques de Mozart.

Déjà repéré l'an passé salle Monteverdi (Lire le compte-rendu), le New Century Baroque exhale ses couleurs sous le pétrissage amoureux de la baguette de Leonardo Alarcón. Les huit premiers numéros s'enchaînent avec une cohérence sans répit, dessinant avec netteté la dynamique d'ensemble. L’interprétation soigne le détail pour faire émerger l'architecture vivante de la partition. Sans altérer la cohérence de la lecture, la juxtaposition des parallélismes thématiques dans l'Offertoire et le Lux aeterna ne peut maintenir cette impression de continuité organique. Du quatuor vocal soutenu par l'admirable proximité du chef se détache le soprano adamantin de Lucy Hall. Galbé avec souplesse, le Choeur de Chambre de Namur dégage une lumière empreinte d'humanité.

Mais si l'événement était constitué par le K 626, on avouera un penchant pour le Concerto pour clarinette interprété par Benjamin Dieltjens (photo). Son cor de basset possède une chair dans les graves qui magnifie les inflexions mélancoliques de la partition. Le sens de la ligne prend une tournure quasi vocale et rappelle l'ultime air de Vitellia, Non più di fiori – à quand une mise en perspective ? On y reconnaît la même insoutenable légèreté du fatum. L'extraordinaire sensibilité du soliste du New Century Baroque n'a d'égale que l'humilité sans servilité du chef, ménageant la fluidité expressive du partenaire orchestral.

L'apéritif de ce samedi était composé de pièces de scordatura autour de la figure emblématique de Biber, qui compensent par des saveurs parfois rustiques un certain monochromatisme mélodique. Soutenus par le Centre Culturel de Rencontres d'Ambronay, les quatre condisciples de la Schola Cantorum de Bâle qui forment Der Musikalische Garten exhument une Parthia amabilis du Tchèque Vojta recelant une Aria aux séduisants pizzicati à la viole de gambe. Seul ouvrage en mineur du récital, la roborative Sonate de la dernière Partia de Biber forme un bis idéal.

Le lendemain, Damien Guillon, accompagné au luth par Eric Bellocq, nous promène dans les contrées de l'humeur noire avec un florilège de chansons de Dowland, non dénuées parfois d'allant. L'élégance intimiste du contre-ténor français sied admirablement à ce répertoire, et met pour un peu plus d'une heure le monde entre parenthèses. L'après-midi en l'abbatiale, Ophélie Gaillard et son ensemble Pulcinella propose un choix d'airs de Haendel – fameux extraits de Giulio Cesare et Alcina, mais aussi une plus rare mais non moins sublime lamentation tiré d'Ariana in Creta, Son qual stanco pellegrino, mis en valeur avec expressivité par Aurore Bucher. Le dépouillement de l'effectif orchestral – une dizaine d'instrumentistes – favorise l'intelligibilité de voix au format baroque, que l'on retrouve dans cantate Apollo e Dafne, la terra è liberata, HWV 122, vivier dans lequel le compositeur puisera pour ses opéras ultérieurs – l'ultime aria d'Apollon, Cara pianta sera repris dans le réveil des proies d'Alcina. Aux côtés d'une Daphné un peu froide, Marc Mauillon fouille avec l'instinct théâtral qu'on lui connaît les connotations de son texte.

Gilles Charlassier

Festival d'Ambronay, 29 et 30 septembre 2012

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Photo : Bertrand Pichène
 

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