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Florian Noack joue Liapounov au Festival Radio France Montpellier Occitanie – Etudes-poèmes – Compte-rendu

Amoureux des partitions rares, le Festival Radio France Montpellier Occitanie offrait un cadre idéal à Florian Noack (photo) pour sa première intégrale en concert des 12 Etudes d’exécution transcendante de Serge Liapounov (1859-1924), auteur dont le jeune artiste belge (26 ans) a entrepris l’enregistrement intégral de l’œuvre pour piano pour le label Ars Produktion. Le volume 2 – splendide ! – vient tout juste de sortir (1) et le prochain, consacré aux Etudes, sera enregistré en début d’année prochaine.  On bout d’impatience de disposer de cette galette à en juger par ce que Noack offre déjà en concert – un moment que les auditeurs de France Musique auront pu savourer en direct.

Des références à Liszt - à commencer par le titre - dans les Etudes de Liapounov ? Certes, mais on aurait bien tort de ne voir en lui qu’un épigone de l’illustre Hongrois – il doit d’ailleurs au moins autant à Chopin. Le Russe possède un imaginaire sonore singulier dont Noack se fait l’interprète avec un mélange d’autorité et de subtilité qui ne surprend guère de sa part.

Une Berceuse pour ouvrir le cahier ... Tandis qu’un redoutable défi digital l’attend, le pianiste prend tout le temps d’explorer cette première pièce, la transformant avec une infinité de nuances en un prégnant rêve éveillé.
Noack assume avec aplomb - et de sacrées prises de risque ! - le redoutable enjeu d’Etudes ... d’exécution transcendante. Cette notion ne quitte jamais son esprit : la technique comme moyen, comme clef ; tout le contraire d’un virtuose pressé qui foncerait tête baissée dans la difficulté et n’offrirait qu’un aperçu très incomplet des richesses de la musique de Liapounov.

Sous ses doigts, chaque étude se mue en un véritable poème. De l’inquiétante Ronde des fantômes aux miroitements de l’aérienne Ronde des sylphes, de l’étrange ondoiement de Terek à la joyeuse santé de Lezghinka ou au souffle d’air sonore des fabuleuses Harpes éoliennes – il faut « des doigts d’elfe » remarque justement Guy Sacre pour jouer cette pièce étonnante ; Noack les possède, ô combien ! - le jeune virtuose caractérise son propos avec un art de coloriste peu ordinaire. Et quelle maîtrise du matériau sonore, quelle plénitude - pas une once de saturation même dans les plus puissants fff – montre-t-il dans Carillon, Tempête ou Chant épique – on n’ergotera pas sur quelques scories lors de cette première en public (2) tant l’humeur est à chaque étape saisie avec justesse. Mais le climat s’apaise parfois aussi, avec la Berceuse initiale, Nuit d’été ou Idylle. Des pages qui pourraient aisément verser dans le chromo, n’étaient l’élégance et le tact d’un artiste, un vrai.

Empoignée avec une fière véhémence, l’Elégie à la mémoire de Franz Liszt conclut le recueil en beauté. Un « performance » pianistique ? Sans aucun doute. Mais un accomplissement musical et poétique d’abord.
Rendez-vous avec Florian Noack le 20 août prochain en Allemagne, au Festival d’Husum (2), où un original programme Kirchner, Bennet et Heller attend notre insatiable découvreur.  

Alain Cochard

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(1) Sergei LYAPUNOV (Works for piano  - Vol. 2) : Novelette op. 18, Barcarolle op. 46, Humoreske op. 34, 3 Pièces op. 1, 7 Préludes op. 6, Chant du crépuscule op. 22, Variations et Fugue sur un Thème Russe op. 49, Fêtes de Noël op. 41 (il s’agit du premier enregistrement mondial des op. 18, 22 et 46) / 1CD Ars Produktion ARS 38 209
 
(2) http://piano-festival-husum.com/florian-noack/
Montpellier, Le Corum, Salle Pasteur, 24 juillet 2016
 
Photo © Monika Lawrenz

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