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Grace Bumbry en récital au Châtelet - Eternelle diva - Compte-rendu

Souvent galvaudé, ou utilisé à tort et à travers, le terme « monstre sacré » peut sans risque être employé pour Grace Bumbry, sculpturale cantatrice, aujourd'hui âgée de 75 ans. Ses dernières apparitions parisiennes déjà réservées au Châtelet (un inoubliable récital en 2007, puis un retour scénique dans Treemonisha de Scott Joplin en 2010), avaient enchanté le public, ému de partager de précieux moments avec une légende du chant toujours en activité.

Longuement applaudie à son entrée, la chanteuse s'est lancée sans attendre dans un programme mêlant chansons, extraits de comédies musicales et negro spirituals. Toujours riche et volumineuse, au point de se demander si l'usage d'un micro était indispensable, la voix de Bumbry s'est d'abord chauffée sur « Look to the Rainbow » de Burton Lane et « Memories » extrait de The way we were, avant de trouver sa place, sa rondeur et son expressivité pour parer le célèbre « Send in the clowns » pièce maîtresse de A little night music signée Sondheim, immortalisée par Barbara Streisand, Shirley Bassey, Angela Lansbury ou Judi Dench.

Michel Legrand, Richard Kerr, Carole King et Joaquin Rodrigo (une adaptation du mouvement lent du Concerto d'Aranjuez avec Wim Hoogewerf à la guitare) se disputaient cette première partie, marquée par la présence de Charles Aznavour, auquel la cantatrice voue une admiration sans borne et dont l'interprétation d' « Hier encore » a donné du fil à retordre au point que cette dernière a dû la recommencer (avec bravoure) après quelques strophes hésitantes.

Souvenirs heureux ou amers, amours anciennes ou à venir, temps qui passe, les thèmes évoqués par ces chansons ont permis à Grace Bumbry de se remémorer le passé avec émotion ( « Dance with my father »), sans pour autant se laisser submerger par les regrets, la chanteuse n'hésitant pas à donner de la voix et du cœur à trois negro spirituals pleins de verve, malheureusement accompagnés au piano par l’effroyable Kevin McCutcheon, avant de triompher de la tessiture sinueuse du « Caruso » de Lucio Dalla et de faire valoir la profondeur intacte de ses graves dans « My way », revisité par Paul Anka.

Ovationnée par une salle éblouie et reconnaissante, l'inaltérable diva revenait avec deux bis, dont un magnifique « Del cabello màs sutil » d'Obradors, seule concession de cette inoubliable soirée au répertoire classique, rappelant si besoin en était l'incroyable technique de cette artiste éternelle, attendue prochainement à Berlin pour interpréter The old Lady dans Candide de Bernstein.

François Lesueur

Paris, Théâtre du Châtelet, 6 mars 2012

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Photo : DR
 

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