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Idomeneo de Mozart à l’Opéra national du Rhin – Trop de frustrations – Compte-rendu

L’Idomeneo que propose l’Opéra de Strasbourg s’écarte délidérément de la dimension mythologique pour se pencher davantage sur les conflits psychologiques inhérents à cet opéra. Le metteur en scène Christophe Gayral, qui a opéré de sérieuses coupures dans l’œuvre (au niveau du ballet mais aussi dans le reste de la partition), exacerbe les relations entre des personnages finalement assez proches de l’univers de La Flûte enchantée dans une scénographie très dépouillée de Barbara de Limburg.
Des panneaux sombres et coulissants – fort heureusement éclairés par Philippe Berthomé – enferment l’espace dans lequel quelques accessoires banals et la grande statue du Poséidon du Musée d’Athènes - d’ailleurs démantelée à la fin de l’ouvrage telle une statue de tyran - accompagnent une action assez statique (y compris lors de la scène de la tempête, seulement suggérée par l'ondulation d’un voile bleu). Après le happy end où Idomeneo abdique au profit d’Idamante, le plateau s’illumine et montre une Grèce touristique avec ses vacanciers en folie dans des tenues de plage bariolées pour le moins décalées.

© Alain Kaiser

La distribution pèche par manque d’unité. Côté masculin, l’Idomeneo de Maximilian Schmitt en impose, mais la vaillance de son chant assez nasal ne réussit pas toujours à triompher des vocalises virtuoses semées en chemin par le compositeur. Idamante est interprété avec conviction par Juan Francisco Gatell malgré un timbre assez monochrome, tandis que fidèle Arbace de Diego Godoy tient parfaitement sa place. On aurait aimé entendre davantage Nathanaël Tavernier dans La Voce (dont l’air est écourté) tant cette jeune basse venue de l’Opéra Studio du Rhin possède une voix chaleureuse et bien projetée. Les rôles féminins sont dominés par l’Ilia de Judith van Wanroij passionnée, à l'instrument souple et solaire, tandis qu’Agneta Eichenholz, Elettra assurée mais froide, ne transmet pas au personnage toute sa démesure dans la recherche inassouvie de pouvoir.
 
A la tête d’un Orchestre symphonique de Mulhouse que l’on a connu en meilleure forme ces derniers temps (malgré de beaux solos, les cordes manquent de legato), le jeune chef espagnol Sergio Alapont, précis et fluide, peine à insuffler un vrai sens dramatique. Les Chœurs de l’Opéra national du Rhin, bien préparés par Sandrine Abello et très présents en incarnation du peuple, donnent le meilleur d’eux-mêmes. Ils suppléent par leur engagement scénique le minimalisme d’une représentation qui laisse globalement insatisfait.
 
Michel Le Naour

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Mozart : Idomeneo  – Strasbourg, Opéra national du Rhin, 22 mars 2016

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