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Inauguration de la Maison Messiaen à Petichet – Une renaissance – Compte-rendu

Il aura fallu beaucoup de détermination et de passion pour redonner vie à la Maison Messiaen à Petichet (Isère) et aussi une fidélité à toute épreuve à la mémoire du compositeur et de son épouse Yvonne Loriot, qui habitèrent les mois d’été dans ce lieu de villégiature idyllique au bord du lac de Laffrey. Ils ont souhaité d’ailleurs y reposer tous deux dans le cimetière voisin de l’église du village de Saint-Théoffrey ; c’est dire leur attachement à une région située à quelques encablures de La Mure.
 

Dans le studio du compositeur © Gilles Swierc
 
En 1936, amoureux des Alpes et des chants d’oiseaux, Messiaen acquit cette maison pour s’y ressourcer loin des rumeurs de la capitale et du service à la tribune d’orgue de La Trinité. Cette thébaïde s’est agrandie au fil du temps (le jardin d’un hectare fait désormais l’objet d’un soin attentif, selon les vœux de Messiaen attaché avant l’heure à la biodiversité), et au pavillon d’origine s’est ajouté un chalet en surplomb, studio qui permettait au musicien de travailler en toute quiétude face à la nature environnante. Des travaux d’envergure (d’un montant d’1,2 M. €) ont permis une réhabilitation des bâtiments tombés en déshérence depuis la mort du compositeur en 1992. Sous l’égide de différents partenaires (la Fondation de France, les Collectivités régionales, départementales et locales, la Fondation Messiaen présidée par Catherine Massip), l’inauguration aura braqué le projecteur sur cet événement de grande ampleur. En 14 stations constituées de concerts, rencontres, projections, la figure du musicien, son œuvre et son enseignement ont été l’objet d’une particulière attention.
 

Le chœur d'enfants dans les jardins de la Maison Messiaen © Gilles Swierc
 
On retiendra de ces trois jours ouverts gratuitement à un public venu nombreux plusieurs moments phares : le concert d’ouverture de Roger Muraro (photo) - auquel ce projet doit tant - dans la petite église de Saint-Théoffrey que fréquentait Messiaen ; Wagner, Liszt, Debussy, Messiaen retrouvaient sous les doigts du pianiste poète un même souffle et une même respiration.
 Moment d’émotion également lors de la grande fête dans les jardins, à laquelle prenait part un chœur de 100 enfants venus des environs, avant la cérémonie officielle de remise des clefs. A l’occasion du 170ème anniversaire du sanctuaire de Notre-Dame de la Salette (construit à 2000 m d’altitude pour célébrer l’apparition de la Vierge), l’Ensemble Orchestral Contemporain dirigé par Daniel Kawka transfigurait les Trois petites liturgies de la Présence Divine. Le Chœur Britten dirigé par Nicole Corti donnait une lecture très empathique d’extraits des Vêpres de la Vierge de Monteverdi tandis que Roger Muraro rapprochait avec sensibilité la 1ère Légende de Liszt du Baiser de l’Enfant Jésus extrait des Vingt Regards. Outre de grandes pages d’Iberia d’Albéniz jouées avec autorité par Jean-François Heisser, un florilège pianistique de Messiaen par la flamboyante pianiste québécoise Louise Bessette précédait un choix de mélodies sur le thème des Histoires naturelles (Debussy, Messiaen et Ravel), superbement défendu par Vincent Le Texier. A noter aussi la présence des musiques de l’Inde, qui rappelaient l’intérêt de Messiaen pour les timbres des instruments de ce pays. Deux maîtres incontestés étaient au rendez-vous pour des ragas envoûtants : Rishab Prasanna à la flûte bansuri et Prabhu Edouard au tabla.

Le public devant l'église de Saint-Théoffrey © Gilles Swierc
 
Enfin, Roger Muraro qui fut l’hôte privilégié de Petichet inaugurera une résidence d’artistes dès cet été, recréant avec des étudiants l’esprit de convivialité et d’étude qu’il y a connu du vivant du compositeur. Hébergement, accueil et espaces réservés gérés par la Communauté de Communes permettront, dans le cadre d’un projet artistique piloté par l’Aida (Agence Iséroise de Diffusion Artistique) et dirigé avec enthousiasme et professionnalisme par Bruno Messina (qui veille également aux destinées du Festival Berlioz de la Côte Saint-André), de développer une activité artistique internationale dans ce Pays de la Matheysine si cher au compositeur. Pour sa part, la Fondation de France, garante du rayonnement et de la défense de l’intégrité de l’œuvre d’Olivier Messiaen, apportera son concours pendant dix ans à la mise en œuvre d’un projet culturel d’envergure tel que l’avait souhaité Yvonne Loriot. Une renaissance qui fait désormais de la Maison Messiaen un centre actif ouvert sur le futur et respectueux de l’héritage du maître français.
 
Michel Le Naour

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Eglises de Saint-Théoffrey, de Corps, de Lavaldens, d’Oris-en-Rattier et de Valbonnais, Basilique du sanctuaire Notre-Dame de la Salette, jardins de la Maison Messiaen, les 1er, 2, 3 juillet 2016

Photo (Roger Muraro en récital à l'église de Saint-Théoffrey) © Gilles Swierc

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