Le tragique et fulgurant incendie ayant dévasté Notre-Dame de Paris le 15 avril pourrait avoir non seulement mis à mal la structure de l’édifice, du fait de la température extrême du brasier, mais aussi mis en péril quantité d’éléments du mobilier de la cathédrale, dont les orgues font partie. Les voûtes de l’avant-dernière travée de la grande nef, de la croisée ainsi que d’une travée du transept gauche, à proximité de la grande rose nord, se sont effondrées, et l’on craint fort pour l’orgue de chœur.

Pour ce qui est du grand orgue de tribune, à l’autre extrémité de l’édifice, après une rapide (par la force des choses) observation des lieux faite par Laurent Prades, régisseur de la cathédrale, en charge de l’inventaire des objets d’art de Notre-Dame, on peut pour le moment avancer que l’instrument n’a été touché ni par le feu, ni par l’eau des pompes à incendie : l’orgue est situé entre les deux tours (de facto protégé par la dalle en assurant la jonction, en contrebas de la double galerie ajourée en surplomb de la rose ouest, elle-même au-dessus et immédiatement derrière l’orgue), au-delà de l’arc de décharge faisant transition entre l’aire des tours et la nef proprement dite, cependant que la tribune s’avance, elle, dans la nef – et elle a reçu de l’eau. L’orgue n’aurait pas non plus, a priori, souffert d’un excès de chaleur – ce qui, bien entendu, n’exclut nullement que sommiers et réservoirs aient pu souffrir d’une sécheresse intense, potentiellement dévastatrice, mais aussi de la suie.

© Mirou

Contacté par téléphone, l’organiste Thomas Monnet a confirmé les éléments postés sur sa page Facebook : « Je me fais ici le porte-voix d’Éric Brottier, technicien-conseil pour les orgues [en charge de celui de Notre-Dame, notamment lors des derniers grands travaux de restauration et d’agrandissement de 2011/2012-2014 [cf. ci-dessous le compte rendu du 20 septembre 2014, ndlr], avec qui j’ai le plaisir de travailler. Les premières observations sur l’instrument de Notre-Dame, y compris à l’intérieur, montrent que l’orgue n’a visiblement (j’insiste sur le terme) pas véritablement souffert de l’incendie. Il a été préservé des écoulements d’eau grâce à la dalle de couverture entre les tours et n'a pas souffert de la chaleur (les tuyaux sont structurellement préservés). Ces informations rassurantes devront être étayées par un constat approfondi qui n’a bien sûr pas encore pu être réalisé. »

L'examen de la structure de l’édifice est l’urgence absolue du moment. Une fois le feu vert donné par les architectes, une visite pourra être envisagée – peut-être dans le courant de la semaine prochaine – afin d’évaluer l’état réel de l’instrument et les dommages subis. Bien des questions se posent quant à la conservation du grand orgue, lequel ne saurait demeurer en l’état sous une voûte éventrée, serait-ce à l’autre extrémité de la nef. Démontage intégral et stockage de l’instrument, coffrage ? Quels que soient les choix des responsables du patrimoine, l’orgue de Notre-Dame, le plus grand et le plus célèbre de France dans le monde entier, se trouve désormais, pour une durée que rien ne permet encore d’estimer, condamné au silence.

Enfin, par un communiqué publié ce 16 avril en fin d'après-midi, l'association Musique Sacrée à Notre-Dame de Paris (1) et l'ensemble de la Maîtrise ont fait part de leur vive émotion face à des événements qui les atteignent directement et de leur volonté "de reprendre le cours des choses" pour "faire exister la Maîtrise en dehors de la Cathédrale.". "Le maximum sera fait, est-il précisé, pour que l’ensemble des chœurs puissent animer les offices de la Semaine Sainte dans des paroisses telles que Saint-Sulpice ou Saint-Eustache." De plus, les activités de la Maîtrise  – formation de chanteurs (de 6 à 30 ans), organisation d'une saison de concerts, animation musicale de la liturgie – se poursuivront dans les salles et paroisses qui les accueilleront. Un concert exceptionnel réunissant tous les chœurs de la Maîtrise est prévu à la rentrée prochaine.

Michel Roubinet
(16/04/2019)

(1) Musique Sacrée à Notre-Dame de Paris : www.musique-sacree-notredamedeparis.fr/