Journal

​Jean-Frédéric Neuburger, Adrien Perruchon et l’Orchestre Lamoureux à la Seine Musicale – Mademoiselle in Paris – Compte-rendu

Ils se sont trouvés ! On a déjà eu l’occasion de le souligner : la rencontre d’Adrien Perruchon et de l’Orchestre Lamoureux a fait des merveilles et mis fin à une période, flottante dira-t-on, de l’histoire de la vénérable association symphonique. Depuis 2021, les rênes sont tenues : on a eu une nouvelle preuve de ce dynamisme retrouvé avec le concert « Mademoiselle in Paris » donné devant un public nombreux à l’Auditorium de la Seine Musicale. La figure de Nadia Boulanger (1887-1979) et l’influence qu’elle a exercée inspirent un programme mêlant un ouvrage de celle que l’on surnommait « Mademoiselle », des pièces de deux de ses nombreux élèves, étatsuniens en l’occurrence, Copland et Bernstein, et le Concerto pour la main gauche de Maurice Ravel.
 

© Liva Herzenberger - Brucknerhaus

Première partie de soirée toute concertante, avec Jean-Frédéric Neuburger au clavier, qui invite d’abord à une séduisante découverte : la Fantaisie variée pour piano et orchestre de Nadia Boulanger (1) dont l’Orchestre Lamoureux donna la création française le 9 février 1913 sous la direction de Camille Chevillard, peu après la première à la Hochschule de Berlin, le 17 janvier ; Raoul Pugno – dédicataire de l’ouvrage – tenant dans un cas comme l’autre l’exigeante partie soliste.
 

Raoul Pugno (1852-1914), créateur de la Fantaisie variée de Nadia Boulanger – Musica, juillet 1904 © Coll. part.

« Rhapsodie [Fantaisie] variée » écrivit un critique rendant compte de la création berlinoise d’une composition nourrie d’un chant populaire russe. La dimension rhapsodique constitue en effet l’un des traits dominants d’une œuvre profuse et contrastée dont le pianiste s’empare avec une remarquable autorité. Il s’est autorisé à poser la partition, nouvelle à son répertoire, devant lui, mais donne l’impression de la jouer depuis toujours tant son interprétation manifeste souffle et élan, partagés de bout en bout avec Adrien Perruchon et ses troupes, sans parler d’une sonorité aussi dense que riche – que d’évolution dans le jeu de Neuburger en l’espace de quelques années ! – qui ne séduit pas moins dans le Concerto pour la main gauche de Ravel.
Ici encore, le soliste raconte et, porté par un orchestre continûment aux aguets, tient l’auditeur en haleine par la tension qu’il imprime à son propos, avec une variété expressive et des qualités pianistiques que résume la cadence – sacrée leçon de piano que cette una corda qui, sans jamais détimbrer, contribue à modeler le son ...
A l’accueil enthousiaste de l’auditoire répond, en bis, une transcription du Libera me du Requiem de Fauré, saisissante de force dramatique.
 

© Orchestre Lamoureux
 
Située de l’autre côté de l’Atlantique, la seconde partie du concert débute par Quiet City – servi par la trompette de Michel Barré et le cor anglais de Christelle Chaizy. La pièce de Copland fait figure de nocturne, d'une prégnante immobilité, avant l’irruption des Danses symphoniques de West Side Story dont la luminosité et le tonus rythmique remportent tous les suffrages.  
En bis, un autre élève de Mademoiselle, Quincy Jones, conclut une soirée aussi originale que vitaminée avec l’inoxydable Soul Bossa Nova !   
 
Aux curieux de la musique de Nadia Boulanger, signalons enfin que le prochain programme dirigé par Adrien Perruchon (avec la soprano Chloé Briot), le 9 mai (2), s’ouvrira par deux mélodies avec orchestre de 1909 (Soleils couchants et Elégie), suivies de pages de Berlioz, Beethoven et Duparc.
 
Alain Cochard

Paris, Seine Musicale, 18 février 2023

 
(1) La période est aux découvertes du côté des compositions de Nadia Boulanger. Tandis que l’Orchestre Lamoureux nous offre la Fantaisie variée, le Palazzetto Bru Zane présente dans son coffret « Compositrices » (8 CD PBZ) un remarquable enregistrement de La Sirène (1908), cantate pour trois voix et orchestre sur un poème d’Eugène Adenis et Gustave Desveaux-Vérité, par Anaïs Constans, Aude Extrémo, François Rougier, l’Orchestre du Capitole et Leo Hussain,.
    
(2) orchestrelamoureux.com/concerts/les-soirees-de-lorchestre/
 
Photo © Concertclassic

Partager par emailImprimer

Derniers articles