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Jean-Frédéric Neuburger compositeur en résidence à la 43ème Académie-Festival des Arcs – « L’important est de donner du plaisir et de l’émotion à l’auditeur »

La jeunesse est une fois de plus à l’honneur aux Arcs puisqu’Eric Crambes, directeur artistique, a choisi Jean-Frédéric Neuburger (29 ans) (photo) comme « compositeur en résidence » de la 43ème Académie-Festival savoyarde.
Le grand public connaît mieux l’ancien élève de Jean-François Heisser en tant que pianiste, mais pour ce surdoué (sorti en 2005 avec cinq Premiers Prix du Conservatoire National Supérieur de Paris – où il enseigne l’accompagnement depuis ... 2009 !) la composition occupe depuis toujours une place importante. Formé à celle-ci par Emile Naoumoff et Jean-François Zygel d’abord, puis par Michael Jarrell, Luis Naón ou Eric Daubresse (pour la partie électroacoustique), J.-F. Neuburger reconnaît avoir noirci beaucoup de papier réglé avant de se sentir satisfait d’une œuvre.

 «Le premier opus dont je suis vraiment content, confie-t-il, date de 2010 ; il s’agit de ma Sinfonia pour deux pianos et percussions, que j’avais créée cette année-là au Festival de La Roque d’Anthéron avec Bertrand Chamayou et les percussionnistes Daniel Ciampolini et Emmanuel Curt.  Depuis, j’ai enchaîné les projets et tout se développe de façon très naturelle. » Le jeune homme compte déjà des créations par l’Orchestre de Paris, le Philharmonique de Radio France ou le Boston Symphony Orchestra ... 
Composer ? « Une chose me tient particulièrement à cœur que résume la phrase de Debussy « La musique doit humblement chercher à faire plaisir » ». J-.F. Neuburger se refuse à « une musique exclusivement belle par l’analyse ou trop intellectuelle. Je me soucie beaucoup, explique-t-il, de la perception de l’ouvrage, de ce que sa structure soit lisible pour l’auditeur ; ce qui ne signifie aucunement écrire une musique simpliste. » 

S’agissant de la lisibilité du discours, il prend volontiers pour exemple Pierre Boulez et notamment la « 3ème période » du compositeur. « A partir de la fin des années 70 sa principale préoccupation est de rendre le discours lisible. Mais cela est faisable avec des grammaires très différentes, néo-classique ou néododécaphonique, ou encore avec une grammaire spectrale, insiste-t-il. Les grammaires permettent toutes un discours lisible ; l’important est que celui-ci donne du plaisir et de l’émotion à l’auditeur », conclut celui qui, pour l’écriture pianistique, désigne Boulez, mais aussi Messiaen comme ses grands points de repère.

J.-F. Neuburger sera en terre de connaissance au Arcs puisqu’il y revient de façon régulière depuis quatre ou cinq ans. « J’ai tout de suite été séduit par l’endroit et par l’atmosphère. Le festival existe depuis plus de quarante ans et mêle concerts et pédagogie. Le lieu est favorable à la rencontre avec des musiciens non-pianistes pour faire de la musique de chambre – elle est le cœur, l’esprit des Arcs. »
« Eric Crambes m’a proposé cette résidence il y a un peu plus d’un an et demi. Par le passé deux de mes partitions ont déjà été reprises aux Arcs. Sept, dont une création mondiale, sont programmées cette fois et seront jouées par divers musiciens professionnels, hormis mon Poème pour violon et piano, qui est confié à des étudiants avec lesquels je vais avoir le plaisir de travailler. »

Quant à la création mondiale, il s’agira de Trois Pièces pour piano à quatre mains, que J.-F. Neuburger donne le 2 août avec la complicité de Renata Bittencourt. Cette dernière – depuis peu Mme Neuburger à la ville – explique un attrait, plus prononcé depuis quelque temps, pour le quatre mains et le duo de pianos chez le compositeur.
« Deux domaines très différents, souligne-t-il. Le duo de pianos présente une dimension théâtrale - spatialisation, écho, etc. -  très facile à mettre en place et que l’on n’a pas sur un seul piano. Il me semble indispensable de prendre en compte deux paramètres dans l’écriture à quatre mains. D’abord l’importance de l’aspect visuel ; des croisements de mains, etc. Quand on regarde les belles œuvres à quatre mains de Schubert, de Brahms, mais aussi les Makrokosmos IV (1979) de Crumb, on remarque que cette dimension ludique est très présente. Second paramètre : composer à quatre mains est plus proche de l’écriture pour quatuor à cordes que de celle pour deux pianos, qui présente un côté affrontement, une dimension presque héroïque. »

Située presque au terme de l'édition 2016, la première mondiale des Trois Pièces de Jean-Frédéric Neuburger en constitue l’un des moments attendus, d’autant qu’elle s’inscrit aux côtés de superbes partitions de Saint-Saëns, Auric, Satie (le Groupe des Six est le fil rouge de la 43ème Académie-Festival) et Mendelssohn, mais le Centre Bernard Taillefer sera le cadre d’autres rendez-vous passionnants, telle L’Heure espagnole de Ravel (dans le magnifique arrangement pour petit ensemble signé J.-F. Neuburger, que Concertclassic vous avait signalé dès sa création à Saint-Jean de Luz en septembre 2011 (1)) par les voix du pôle chant de l’Académie des Arcs (29/07), ou encore un concert hommage à Henri Dutilleux (27/07).

Alain Cochard
(Entretien avec Jean-Frédéric Neuburger réalisé le 19 juillet 2016)

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(1) Lire le CR : www.concertclassic.com/article/lheure-espagnole-lacademie-ravel-de-saint-jean-luz-delice-miniature-compte-rendu
 
 
43ème Académie-Festival des Arcs
Du 18 juillet au 3 août 2016 (tous les concerts sont en entrée libre)
Bourg-Saint-Maurice (Savoie)
www.festivaldesarcs.com
 
Photo Jean-Frédéric Neuburger © Carole Bellaiche

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