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​Jeanne d’Arc au bûcher à l’Opéra de Lyon – La transfiguration de Jeanne – compte-rendu

Il ne fallait pas attendre de Romeo Castelluci, volontiers iconoclaste, qu’il nous livre une vision convenue de Jeanne au bûcher. Sans jamais nuire au verbe claudélien, le metteur en scène italien offre de l'oratorio d'Honegger une vision forte, décantée, où la puissance des images dans une atmosphère de huis clos frappe l’imagination du spectateur jusqu’à la scène finale, hallucinée.
 
Aucune concession dans cette succession de tableaux qui s’ouvre théâtralement par un décor de salle de classe entre tableau noir, chaises et tables où de jeunes collégiennes, après leur départ, sont remplacées par un homme de ménage. Pris de frénésie, il lance brutalement le mobilier à l’extérieur puis s’enferme avant de se métamorphoser... en Jeanne. Ces longues minutes de malaise, d’attente et de suspense donnent le ton de l’ensemble de cette représentation où la psychanalyse l’emporte sur l’imagerie pieuse.  
 

© Stofleth
 
La rayonnante Audrey Bonnet s’empare du rôle de la Pucelle avec toute la dimension dramatique imposée par Castelluci. On n’oubliera pas de sitôt son apparition, soulevant de la glaise une épée sudimensionnée, puis nue enlaçant son cheval mort, ou encore sa transfiguration au moment symbolique du bûcher.

Denis Podalydès (Frère Dominique), discret et pourtant présent, ne fait jamais d’ombre à l’héroïne mais sait installer un climat d’humanité dans son rôle de narrateur qui rappelle à Jeanne le livre de sa vie.
Les autres solistes sont à la hauteur de l’enjeu : Ilse Eerens (la Vierge), Valentine Lemercier (Marguerite), Marie Karall (Catherine), et une mention toute particulière pour la prestation engagée de Jean-Noël Briend (Une voix, Porcus, Héraut I, Le Clerc).

La direction magistrale de Kazushi Ono tient du miracle ; il soulève de sa baguette précise et incandescente la pâte sonore de cette fresque si expressive. Les voix et chœurs – sonorisés et invisibles – obligent le chef à un tour de force tant il doit veiller au grain pour maintenir unité et cohérence. Dans ces conditions, la musique se fait tour à tour déchirante (l’intervention des ondes Martenot), ludique (la kermesse truculente), aérienne, puissante et toujours narrative. L’Orchestre de l’Opéra de Lyon se montre une nouvelle fois d’une qualité rare, à la hauteur de sa réputation. Un événement majeur de la saison lyrique.
 
Michel Le Naour

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Honegger/Claudel : Jeanne au bûcher – Lyon, Opéra, 2 février 2017

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