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La Cenerentola au Palais Garnier - Sauce napolitaine - Compte-rendu

Cenerentola de Rossini à l'Opéra Garnier
Pour ses premiers pas dans l’opéra, Guillaume Gallienne, venu du théâtre et du cinéma, signe La Cenerentola, ultime nouvelle production de cette saison à l’Opéra de Paris. Sa mise en scène choisit de camper le décor et l’ambiance dans la ville de Naples. Une idée comme une autre, histoire peut-être de se singulariser… et tant à croire que l’inusable chef-d’œuvre de Rossini se prête à une cuisine à toutes les sauces. Sinon que cette limite géographique biaise la portée intemporelle et l’imaginaire onirique de la Cendrillon du conte de fées (immortalisée par Charles Perrault, auteur français s’il en est). C’est ainsi que le décorum présente les façades ocre rouge de palais décatis (joliment conçus par Éric Ruf, par ailleurs administrateur de la Comédie-Française), et que les costumes, plus ou moins actuels, figureraient ceux de mafiosos avec borsalino obligé (comme il sied à tout Napolitain qui se respecte, suivant un schéma simpliste). On ne sait alors trop pourquoi ces Napolitains s’abreuvent au vin de malaga, selon les mots du livret retranscrits fidèlement par les surtitres, ni trop ce que viennent faire en ces lieux un magicien et un prince charmant… Peu importe, il faut croire. Et les lumières comme les mouvements restent bien réglés. Sauf que le statisme envahit souvent les protagonistes lors des arias et ensembles, dans un sérieux appuyé quand on attendrait la pétulance que la trame appelle.
 
Cenerentola de Rossini à l'Opéra Garnier
© Vincent Pontet

Ce serait plutôt du côté de la musique que l’œuvre retrouve sa pleine vérité. Ottavio Dantone, qui s’est fait un nom dans le répertoire baroque (assez adapté à Rossini) et qui fait également sa première apparition à l’Opéra de Paris, ici dans la fosse du Palais Garnier, dirige avec une acuité de chaque instant les multiples complexités de la partition. Lui répondent un orchestre et un chœur en phase, subtils ou vifs dans leurs parties diversifiées. Et ce, malgré l’appoint saugrenu d’une harpe, en lieu et place d’un pianoforte, pour soutenir le récitatif secco – désir du metteur en scène, la harpe présentant davantage un caractère napolitain, comme chacun sait.
 
Et répond pleinement une excellente et judicieuse distribution vocale. Teresa Iervolino, la mezzo rossinienne qui monte et marque ses débuts à l’Opéra de Paris, affirme un chant qui se joue des difficultés du rôle d’Angelina, en particulier dans son périlleux et célèbre rondo final. Juan José de León, jeune ténor venu du Texas et autre début à Paris, dispense pour Ramiro une technique vaillante, sertie d’un timbre clair qui évoquerait parfois Juan Diego Flórez. Isabelle Druet et Chiara Skerath plantent avec allant et fermeté Tisbe et Clorinda. Alessio Arduini et Roberto Tagliavini forment un Dandini et un Alidoro assurés, alors que Maurizio Muraro livre un Don Magnifico d’irrésistible bagout. Et tous de se réunir dans une juste participation au cours des nombreux et enchevêtrés ensembles vocaux, ici encore grâce à la direction pointilleuse de Dantone.
 
Pierre-René Serna
 
Rossini : La Cenerentola – Opéra de Paris, Palais Garnier, 10 juin ; prochaines représentations les 14, 17, 20, 23, 25, 30 juin, 2, 6, 8, 11 et 13 juillet 2017 / www.concertclassic.com/concert/la-cenerentola

Photo © Vincent Pontet

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