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La Chronique de Jacques Doucelin - A nouvelle année, nouveaux visages

Si 2006 devrait être une année de calme électoral, elle verra de nouveaux visages apparaître à la tête de grandes institutions musicales parisiennes, notamment de Pleyel rénové et du Châtelet. Des nominations sont également attendues à des postes-clés. Et d’abord à la direction du principal festival lyrique français, celui d’Aix-en-Provence, que Stéphane Lissner quittera dans un an juste, le 1er janvier 2007 trois ans avant l’expiration de son mandat. C’est dès les semaines qui viennent qu’il va donc falloir désigner son successeur. L’autre nomination est beaucoup plus délicate : il s’agit de l’Opéra de Paris qui fait l’objet d’un combat à fleurets multiples, à peine mouchetés.

Pleyel aura donc pour sa réouverture le 13 septembre prochain, le visage de Laurent Bayle qui dirige déjà la Cité de la Musique. Cette double casquette exprime la volonté de Renaud Donnedieu de Vabres qui a fait de la société de gestion de Pleyel une filiale de la Cité de la Musique pour éviter tout risque de rivalité entre les deux salles. De fait, leurs jauges respectives – 800 places à La Villette et 1 900 à Pleyel – les rendent plus complémentaires que rivales.

Après un final wagnérien, Jean-Pierre Brossmann, 65 ans, remettra les clefs du Châtelet à Jean-Luc Choplin à la fin de la saison. Ce dernier a été choisi personnellement par le maire de Paris Bernard Delanoë sur proposition du président du Châtelet André Larquié. Si son récent passage éclair à la tête de l’Opéra National Anglais à Londres n’a pas laissé de souvenir impérissable, sa connaissance de l’Opéra de Paris et notamment de la danse acquise comme intendant du ballet à l’époque Noureev augure bien de l’avenir chorégraphique du Châtelet. Toujours à la demande du maire de Paris, Jean-Luc Choplin va privilégier le lyrique léger. Autant dire que la salle va renouer avec son passé d’opérettes au détriment du répertoire lyrique plus ambitieux et du symphonique. A l’excellence de l’ère Brossmann va ainsi succéder une programmation plus grand public.

Stéphane Lissner ayant dû, en raison de la clause d’exclusivité exigée par la Scala de Milan, abandonner son aventure wagnérienne à Aix juste après le prélude du Ring, L’Or du Rhin, son successeur verra sa liberté plombée durant trois ans, c'est-à-dire jusqu’au Crépuscule des dieux en juillet 2009. Le nom de Bernard Foccroulle, organiste ancien directeur de La Monnaie à Bruxelles, est celui qu’on prononce le plus souvent : cet excellent gestionnaire doublé d’un musicologue averti a coproduit plusieurs spectacles avec le Festival d’Aix dont la création l’été dernier de Julie. Il n’aura pas trop de sa grande expérience de gestionnaire pour affronte la première aventure wagnérienne à Aix avec la luxueuse Philharmonie de Berlin qui coûtera très cher malgré la coproduction avec le Festival de Pâques à Salzbourg. On peut même se demander s’il restera assez d’argent pour financer les quatre autres opéras prévus chaque été par le cahier des charges !

A l’Opéra de Paris, en revanche, ce ne sont pas les candidats à la succession de Gerard Mortier qui manquent. La qualité de ses personnels artistiques et techniques comme l’ampleur de la subvention allouée à cet EPIC - Etablissement public à vocation industrielle et commerciale - permettent à un intendant imaginatif de faire ses preuves. Encore y faut-il un vrai professionnel du lyrique ! On risque pourtant d’attendre longtemps le nom du successeur, car l’affaire est compliquée par l’âge du capitaine actuel qui aura 65 ans en novembre 2008, ce qui l’oblige à partir avant d’avoir effectué l’intégralité de son premier mandat. Si le gouvernement applique les statuts - et telle est bien l’intention du ministre de la Culture - la nomination devrait intervenir au plus tard en juin prochain afin que le directeur désigné dispose d’au moins deux ans et demi pour préparer ses premières saisons. A moins, dit-on à mots couverts dans les allées du pouvoir, qu’on ne modifie le statut de l’Opéra pour reculer l’âge butoir de 65 ans. Gerard Mortier clame qu’il n’est pas question de s’arrêter au milieu d’une saison et qu’il se voit bien faire quelques bis. D’ici à ce qu’il se succède à lui-même… Surtout si la gauche, qui l’a nommé, revenait au pouvoir par le biais d’élections anticipées. Quand on vous dit qu’en France la politique prime tout.

Jacques Doucelin

Lire les précédentes Chroniques de Jacques Doucelin :
Couacs dans l’année Mozart !
Enfin un auditorium à Paris !

Photo : DR
 

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