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La Chronique de Jacques Doucelin - Pourquoi tu tousses mal ?

Pas de panique : je ne suis pas encore tout à fait gaga ! Certains parmi les plus attentifs d’entre vous se souviendront sans doute que nous avons déjà évoqué ici même ce fléau de nos salles de concerts et d’opéra que constituent les toux intempestives à gorge déployée. Si j’ai décidé de revenir sur le sujet, c’est que cela va de mal en pis depuis la rentrée. J’entends d’ici la réaction offusquée des victimes de la propagande ministérielle concernant les ravages supposés de la grippe du cochon. A ce propos, je voudrais vous rassurer sur l’emploi du temps de Madame Bachelot écartelée entre le sport et la santé : elle a tout de même trouvé le loisir d’écrire un livre sur Verdi qui devrait sortir prochainement. Ouf !

Non, voyez-vous, la grippe a bon dos d’autant qu’elle n’a pas encore débarqué. Je vous assure que nos compatriotes toussent par tous les temps, même de canicule : les festivals estivaux pourraient en témoigner, eux qui n’ont pas échappé pas aux raclements de gorge ! D’Aix à Orange en passant par Beaune ou Saint-Céré, la pituite fait des ravages dans l’hexagone. Il faut vraiment qu’un interprète exceptionnel réussisse à capter l’attention des mélomanes pour que soudain les tousseurs condescendent à oublier leur vice préféré, comme ce fut le cas avec le grand Aldo Ciccolini au dernier Festival de Radio France et de Montpellier.

Encore y a-t-il toux et toux ! La toux d’ennui, émanant de personnes novices débarqués au concert par les hasards de l’invitation d’une entreprise amie de la leur et qui se croient tout bonnement devant leur poste de télévision habituel, en pantoufles et caleçon, sans risque de troubler le blabla soporifique de leur présentateur chéri… Ceux-là s’en donnent à coeur joie, en toute innocence si l’on ose dire, inconscients qu’ils sont de la gêne qu’ils causent tant à leur entourage immédiat qu’aux artistes eux-mêmes ! Il y a aussi celle qui émane de ceux qui ne supportent que le vite et fort des marches militaires et que la moindre nuance piano indispose au point de déclencher la quinte compensatrice : il faut bien meubler !

Et puis, il y a les allergiques à toute nouveauté, pour ne pas parler de modernité, dont le champ auditif s’arrête péniblement à Debussy et pour lesquels Dutilleux (93 ans) et Boulez (84 ans) sont d’insupportables révolutionnaires. C’est la toux de protestation, non pas silencieuse, mais sonore. O combien ! Il y a aussi enfin la grande masse indifférenciée des tousseurs par accident ou chroniques : ceux qui ont vraiment contracté un virus malin. Mais ils savent rarement comment s’y prendre lorsque monte au long de leur trachée l’irrépressible envie de tousser. Ils ne savent pas qu’on peut diminuer très sensiblement le bruit induit par la toux en détimbrant le son, en tout cas, en n’ouvrant pas toutes grandes les vannes à l’expectoration …

C’est bien pourquoi j’en veux aux responsables, à tous les responsables, de salles parisiennes de concerts classiques ou d’opéra. Ils ont bien trouvé des astuces diverses pour prévenir leur public de désactiver leur téléphone portable : que ne font-ils preuve de la même imagination pour lutter contre le bruit intempestif de la toux généralisée ! Une voix off, voire une bonne quinte de toux sur un quatuor de Mozart en lever de rideau, par exemple… Et surtout, un logo dans les programmes comme cela se fait partout en Angleterre afin d’expliquer clairement comment éternuer ou tousser sans ennuyer toute une salle.

S’ils se sentent à court d’imagination, qu’ils se tournent donc vers la ministre mélomane Roselyne Bachelot qui leur filera gentiment la recette anti-grippe H1N1 de la toux dans le coude de la manche, dans le mouchoir en papier, dans le cache-col, dans la doudoune… que sais-je ? Ce qui est sûr, c’est qu’il faut faire quelque chose, car la coupe est pleine.

Jacques Doucelin

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Photo : DR
 

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