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La Petite Renarde Rusée à l’Opéra de Lille - Finoreille, le retour - Compte-rendu

Alain Cochard vous a déjà tout dit de cette Petite Renarde créée sur la scène strasbourgeoise voici un an et que l’Opéra de Lille reprend aujourd’hui avec bonheur. Son bestiaire simplifié – adieux moustiques et grenouilles, les renards règnent et ne croisent  plus que des humains ou des oiseaux – poules et coqs à égorger, pivert marieur – la subtilité de sa grammaire toujours allusive, ses effets poétiques portés d’abord par des lumières qui permettent d’enchaîner les scènes à vue, regorgent d’idées justes qui semblent produites par la musique de Janácek elle-même. Et lorsqu’un élément purement visuel s’y ajoute – comme la neige s’effaçant à l’arrivée du printemps  en un linceul qui emporte Finoreille – il fait sens immanquablement.

Preuve que Carsen, malgré les apparences, est allé très loin au-delà du conte – d’ailleurs la crudité sans fard d’Harasta écorchant la renarde pour en faire le manchon promis à Terynka le dit assez– et a saisi les nombreuses ambiguïtés de cette bande dessinée dont un jour, comme le proclame le Renard dans sa déclaration amoureuse, on fera un opéra.

Et à l’Opéra nous y sommes : Elena Tsallagova a encore raffiné, de chant, de jeux, sa Finoreille ; plus joueuse qu’à Bastille, avec ce petit rire sotto voce qu’elle esquissera encore même lorsque la balle d’Harasta l’aura atteinte,  elle a aussi pris du medium, et la richesse harmonique de son chant évoque par instant Lucia Popp. Les humains sonnent tous juste – le Curé de Krzysztof Borysiewicz et son Anabase ivre en tête - même si ils sont parfois modestes. Derek Welton est un rien fade pour Harasta, Oliver Zwerg sans vraie projection mais attachant en Garde-chasse.
Belle compagnie de chant dont se détache, luxe certain, Salomé Haller en épouse du Garde-chasse, beaux Chœurs de l’Opéra de Lille renforcés par les Solistes de la Maîtrise des Hauts-de-Seine et le Chœur d’enfants de l’Opéra de Paris, mais la vraie surprise venait de la fosse où Franck Ollu, rompu à la musique contemporaine, dirigeait dru, anguleux, vif, fidèle à la lettre comme à l’esprit de Janácek, à la tête de l’Orchestre national de Lille.
 
Jean-Charles Hoffelé
Janácek : La Petite renarde rusée - Lille, Opéra, 1er février ; prochaines représentations les 4 et 7 février 2014
www.concertclassic.com/concert/la-petite-renarde-rusee-par-carsen

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