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La Traviata au Grand Théâtre à Genève - Mort annoncée - Compte-rendu

Univers sombre, tant sur plan scénique qu’orchestral, que celui dans lequel nous plonge la production de La Traviata présentée au Grand Théâtre de Genève. Dès le Prélude, les dés sont jetés : tempo d’une lenteur quasi wagnérienne, sensualité mortifère. Même le début du I est tempéré dans ses élans vitaux. Peu d’éclat, tension contenue ; les feuilles mortes amassées sur le devant du plateau ne laissent planer aucun doute sur ce qui va advenir…

Fruit d’une coproduction entre le Welsh National Opera, le Scottish Opera, le Liceu de Barcelone et l’institution lyrique suisse, la mise en scène de David MacVicar (reprise à Genève sous la conduite de son assistant, Bruno Ravella) joue la carte du réalisme : le drame psychologique et intimiste entre Violetta et Alfredo, ou l’affrontement entre Violetta et Germont, se mêlent avec bonheur et justesse de touche aux scènes de foule (dans des Salons Second Empire aux tentures éclatantes). Les superbes costumes de Tanya McCallin, répondent à cette vision assez classique, en phase avec l’époque.

La Mexicaine Maria Alejandres (l’une des trois interprètes qui alternent dans le rôle de Violetta avec Patrizia Ciofi et Agneta Eichenholz), plutôt gironde, n’a pas le physique d’une héroïne minée par la phtisie, mais surmonte ce relatif handicap par un engagement qui culmine dans la scène finale d’une émotion véritablement sentie. Sa présence, portée par une longueur de souffle impressionnante, finit par emporter l’adhésion (très beau « Dite alla giovine »).

Alfredo au chant homogène et stylé, Leonardo Capalbo campe un amant fiévreux (y compris dans le lit au début du II). L’arrivée de Germont père est un grand moment de théâtre : Tassis Christoyannis se montre convaincant et parfaitement à l’aise dans ce rôle ingrat et complexe. Profondeur d’émission, souplesse d’intonation, grain de voix d’une noirceur inquiétante, caractérisent une interprétation pleine d’émotion feinte mais finalement non dénuée de grandeur d’âme.

Le chef croate Baldo Podic (qui fut, pendant de nombreuses années, l’assistant de Lovro von Matacic) se fond dans cette atmosphère de serre chaude où les personnages, enfermés dans leurs conventions, vivent un huis clos inexorable et étouffant. Il impose, avec un métier très sûr, une retenue dans les éclats et obtient des sonorités suaves et profondes de la part d’un Orchestre de la Suisse Romande à la pulsation généreuse.

Michel Le Naour

Verdi : La Traviata - Genève, Grand théâtre, 31 janvier 2013, prochaines
représentations : les 5, 7, 9, 10 et 12 février 2013.
www.geneveopera.ch

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Photo : GTG/Yunus Durukan
 

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