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La Veuve joyeuse à l’Opéra bastille – Gaîté folle – Compte-rendu

Pour cette reprise de La Veuve Joyeuse dans la mise en scène de Jorge Lavelli(1), qui ouvre sur une note légère la nouvelle saison de l'Opéra national de Paris, la direction a misé sur un couple inédit : la Française Véronique Gens et l'Américain Thomas Hampson, deux artistes réputés pour le sérieux, la rigueur et le professionnalisme qui caractérisent leur carrière, trop rarement ponctuée - en tout cas pour ce qui concerne la soprano – par quelques échappées vers l'opérette ou la comédie musicale. Frilosité des programmateurs, difficulté de sortir des fameuses cases dans lesquelles sont enfermés les interprètes, comment savoir ? Il serait temps que les lignes bougent enfin et que cessent les a priori. Après Karita Mattila, Frederica von Stade et Susan Graham veuves à la séduction hollywoodienne, Véronique Gens n'a aucune difficulté à imposer sa vision d'Hanna Glawari.

Silhouette longiligne en robe de soie noire puis rouge, aigrette, boa blanc ou longs gants de dentelle, son personnage est un concentré de charme et de fantaisie auquel il est impossible de résister.
Fine musicienne, comédienne expérimentée, cette veuve au comique mesuré passe allégrement de l'allemand au français, ne recule devant aucun artifice, qu'il s'agisse de danser, d'entonner un air de son pays  - majestueuse chanson de Vilja – ou de rendre jaloux celui qu'elle aimerait tant épouser (Danilo) : le portrait est soigné, complet, en un mot réussi.

Frank Leguérinel (Mirko) & Thomas Hampson (Danilo) © Guergana Damianova / Opéra national de Paris
 
Thomas Hampson, qui succède à Bo Skovhus, a bien sûr perdu l'émail de son aigu et la souplesse vocale d'autrefois (lui qui fut auprès de Felicity Lott un comte plein d'allant en 1993 pour EMI), mais ce qui serait rédhibitoire chez Verdi ou Puccini l'est beaucoup moins chez Lehár, le baryton compensant les marques du temps par une composition très travaillée mais d'un grand naturel. Il aime cette musique, ce personnage et les situations dans lesquelles il se débat, qui lui permettent de passer de l'ivresse à la jalousie et, enfin, à l'amour.
 
Franck Leguérinel (Mirko) et – ô surprise ! – Siegfried Jerusalem (Njegus) forment un duo maître-majordome complice et désopilant, le couple Valencienne (épatante Valentina Nafornita) et Camille (séduisant Stephen Costello) évoluant avec brio dans ce monde de duperies et de faux-semblants qui rappelle tellement Feydeau.

© Guergana Damianova / Opéra national de Paris

 Alexandre Duhamel (Cascada), Karl-Michael Ebner (de St Brioche), Edna Prochnik (Olga), sans oublier Esthel Durand, Isabelle Escalier ou Sylvie Delaunay respectivement Lolo, Dodo, Joujou, les chœurs au cordeau (préparés par José Luis Basso) et les explosifs cancans réglés par Laurence Fanon : tout concourt à faire de cette soirée un moment de gaîté folle. Dans la fosse, Jakub Hrůša (2) veille à imposer, comme dans toute comédie, son sens du timing et à faire régner sur le plateau un discours subtil et aérien, sans passer à côté des nombreux tubes qui ont fait la gloire de Franz Lehár.
 
François Lesueur

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(1) Une production présentée pour la première fois du 1er au 31 décembre 1997, sous la direction d’Armin Jordan, avec Karita Mattila et Bo Skovhus dans les deux rôles principaux.
 
(2) La production est dirigée en alternance par Jakub Hrůša et Marius Stieghorst (16, 20, 28, 30 sept. et 5, 9, 11 et 15 octobre)
 
 
Lehár : La Veuve joyeuse – Paris, Opéra Bastille, 9 septembre, prochaines représentations les 12, 14, 16, 20, 22, 24, 28, 30 septembre & 5, 9, 11, 15 et 18 octobre 2017 (représentations à 14h30 et 19h30 les dimanches) / www.concertclassic.com/concert/la-veuve-joyeuse-0

Photo © Guergana Damianova / Opéra national de Paris

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