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Le Concert de la Loge au Festival de Radio France Occitanie Montpellier – Au temps de la Révolution Française – Compte-rendu

Le Concert de la Loge de Julien Chauvin (photo) fait souffler un enthousiasmant vent de fraîcheur sur la vie musicale depuis trois ans. Tout en retournant magistralement à son avantage – avec une intelligence digne des 36 Stratagèmes – une ridicule affaire, la formation a trouvé toute sa place et se dédie en priorité au répertoire parisien de la fin du XVIIIe siècle – sans pour autant s’interdire des incursions dans d’autres domaines ; sa riche saison 2017-2018 le prouve.(1)

Après la découverte – et le choc ! – de la Phèdre de Lemoyne, recréée à Caen en avril et reprise (2) en juin au Bouffes du Nord dans le cadre du Festival Palazzetto Bru Zane, J. Chauvin et ses musiciens étaient les invités du Festival de Radio France. Le thème Révolution(s) aura donné nombre d’occasions à la manifestation de se tourner vers la musique russe, mais la période de la Révolution Française n’a pas été oubliée et c’est tout naturellement au Concert de la Loge qu’est revenu un concert « Au temps de la Révolution Française » mêlant des ouvrages de Haydn, Devienne, Beethoven et Davaux.

Haydn occupe depuis deux ans la formation avec une intégrale des Symphonies parisiennes. Après un remarquable premier volume organisé autour de « La Reine » (3), celui comportant « La Poule » sortira à l’automne (4). Prochaine étape des Parisiennes au disque pour Chauvin et se troupes, la Symphonie en ut majeur n°82 « L’Ours » est au programme de la soirée montpelliéraine, et comme cela avait été le cas en concert avec les deux autres symphonies, l’œuvre est présentée de manière fragmentée, les deux premiers mouvements en ouverture de soirée, le Menuet et le finale en conclusion.
Vivace assai et Allegretto donc pour une entrée en matière pleine d’énergie. Chauvin mène ses musiciens du violon : dynamisme, théâtralité bien comprise – les possibilités ne manquent pas dans un ouvrage dont le premier mouvement préfigure l’ « Héroïque » de Beethoven – ; chaque note participe d’un vrai drame instrumental et la musique sort revivifiée de ce traitement, d’un relief et d’une saveur harmonique admirables, comme toujours avec le Concert de la Loge.  
 

© Pablo Ruiz

De saveur l’exécution de l’ouvrage à suivre, la 4ème Symphonie concertante pour flûte, hautbois, basson et cor en fa majeur de François Devienne (1759-1803), n’en aura pas manqué non plus, le public ayant été au préalable autoriser à applaudir en cours d’exécution, comme cela se pratiquait couramment à l’époque. Quelques applaudissements timides d’abord, puis l'auditoire se prend – franchement ! – au jeu, saluant les performances de Tami Krausz (flûte), Emma Black (hautbois), Javier Zafra (basson) et Pierre-Antoine Tremblay (cor). Portés par le peps de l’accompagnement et l’accueil de la salle, nos quatre citoyens souffleurs rivalisent de virtuosité, de chic et d’humour dans une partition qui n’a d’autre dessein que le plaisir. Mission accomplie !

Le Quatuor Cambini-Paris © Pablo Ruiz

Julien Chauvin, aussi occupé soit-il par son orchestre, n’a pas pour autant délaissé la musique de chambre et continue de se produire régulièrement au sein du Quatuor Cambini-Paris, aux côtés de Karine Crocquenoy, Pierre-Eric Nimylowycz et Atsushi Sakaï, trois piliers du Concert de la Loge. Après Haydn, son élève Beethoven apporte un intermède chambriste à la soirée avec le Quatuor en ut mineur op. 18 n°4. On admire autant la maîtrise et l’art du détail (merveilleux Andante scherzoso, magique de finesse et de bonheur partagé !) que la capacité à faire ressentir une énergie sous-jacente qui conduira le compositeur à porter la forme quatuor jusqu’aux sommets que l’on sait.
Chouchane Siranossian © chouchane-siranossian.com

Si la postérité se souvient de Devienne – les flûtistes en tout cas, heureux de son apport au répertoire –, Jean-Baptiste Davaux (1712-1822) est totalement oublié. Ce natif de la Côte-Saint-André – inventeur en 1784, en collaboration avec l’horloger Breguet, d’un système préfigurant le métronome –  s’est beaucoup dédié à la symphonie concertante, genre cher à la fin du siècle des Lumières. Sa Symphonie concertante en sol majeur mêlées d’airs patriotiques pour deux violons principaux (1794) se fait l’écho de l’Histoire. Marseillaise, Carmagnole, Ah ! ça ira forment entre autres les ingrédients thématiques d’une composition séduisante, que l’on entend sous les archets de Julien Chauvin et de Chouchane Siranossian – très belle découverte pour nous que cette jeune et rayonnante musicienne. Les jeux s’avèrent idéalement appariés par leur générosité et leur justesse d’intonation ; un dialogue plein d’allant et bonne humeur se noue.
Il mène de la plus lumineuse façon aux deux derniers mouvements de la Symphonie « L’Ours ». Plénitude des cordes, richesse des bois, vitalité du propos : Haydn ôte sa perruque pour mieux laisser parler son cœur. Classique ? Sans doute, mais vivant et humain d’abord !

Alain Cochard

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Corum, Salle Pasteur, Montpellier, 23 juillet 2017 (retransmis en direct sur France Musique)
  1. www.concertdelaloge.com/saison17-18.html
  2. Vous n’avez pas encore vu de spectacle ? Courrez à l’Opéra de Reims le 10 novembre 2017 ! www.operadereims.com/spip.php?page=evenement&id_rubrique=256&lang=fr
(3)1 CD Aparté / AP 131 (dist. Harmonia Mundi)

(4)A paraître à l’automne 2017, toujours chez Aparté ; le programme comprend le 17e Concerto de Mozart avec Justin Taylor au pianoforte. Des concerts, le 4 octobre à l’Auditorium du Louvre, et à Puteaux le 8 novembre, accompagneront cette sortie / www.louvre.fr/symphonie-parisienne

(5) outre son activité de compositeur, Devienne fut un flûtiste et bassoniste d’importance et compta parmi les membres du Concert de la Loge Olympique

Photo Julien Chauvin © Franck Juery

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