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Le Médecin malgré lui, de Gounod, à l’Opéra de Saint Etienne - Delikatessen - Compte rendu
L’Opéra-Comique meurt mais ne se rend pas ! A preuve cette jolie idée de réveiller une œuvre plus que délaissée sur les scènes françaises alors que la Suisse par exemple, ne la dédaigne pas ! En 1858, date de cette création, la France a incontestablement envie de rire, et si Gounod, par son sérieux foncier, est aux antipodes d’Offenbach, son exact contemporain, (Orphée aux enfers est créé la même année que ce Médecin malgré lui), il n’en donne pas moins dans le genre léger, lui aussi. Et avec quelles bases ! Molière, tout simplement, adapté par le tandem Barbier-Carré. Créée le jour anniversaire de la naissance de Molière, le 15 janvier, l’œuvre naît cependant dans un contexte chargé, au lendemain de l’attentat d’Orsini, qui a failli coûter la vie au couple impérial.
Si l’Opéra de Saint-Etienne a choisi cette pièce rare, avec des moyens dont on sait qu’ils ne sont pas pharaoniques, encore qu’il s’apprête à monter Nabucco en 2016 , c’est notamment qu’elle lui permet de mettre en avant toute une escouade de jeunes talents, et de faire œuvre de bon goût, Gounod ne dépassant jamais la ligne rouge, contrairement à Offenbach.
Le résultat est une sorte de friandise un peu déconnectée de ce que l’on connaît du pieux et torturé compositeur de Faust, légère sans être frivole, profonde sans être grave, et surtout portée par une musique savante et fine, où l’on reconnaît avec amusement, au sein de scènes de pur boulevard, la patte du futur maître de Marguerite. Faust est déjà là, dans cette fluidité mélodique, cette « grâce exquise », écrit Berlioz après la création du Médecin malgré lui, qu’il a beaucoup aimé, cette honnêteté qui sont tout Gounod, le tragique excepté.
L’ouverture, déjà, enchante, et on ne s’attend pas à une telle virtuosité poétique pour le sujet qui va suivre. Ensuite, place au cocasse, sur fond de cruelle satire moliéresque, le tout juste esquissé pour ne pas peser, et la jeune équipe dévore à belles dents les paroles -il y en a beaucoup car les dialogues occupent une place importante- et cette musique délicieuse. Honneur au savoureux Sganarelle de Philippe Nicolas-Martin, aux craquantes Sophie Leleu, Marie Gautrot et Jennifer Courcier, et au bizarre Léandre de Jean-Christophe Born, ténor dont la voix au timbre et au registre étrange en a intrigué plus d’un. Le tout sous la patte vigoureuse de Laurent Touche, faisant ressortir les qualités remarquables d’un orchestre qui « donne tout » comme on dit dans le monde du sport. Grâce légère aussi du décor de kiosque et des costumes pétillants de Jérôme Bourdin, dans des tonalités de vert qui évoquent irrésistiblement un macaron à la pistache.
Un spectacle bon enfant, qui révèle des profondeurs musicales inespérées. Y rit-on vraiment ? Non, car Gounod, décidément n’est pas Offenbach, et garde ses distances. A chacun ses Contes.
Jacqueline Thuilleux
Gounod, Le Médecin malgré lui, Saint-Etienne, Opéra, 16 octobre 2015
Photo © Cyrille Cauvet
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