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Le Songe d’une nuit d’été de Balanchine à l’Opéra de Paris - Prélude au sommeil - Compte-rendu

1600, 1ère édition de A  Midsummer Night’s Dream de Shakespeare ; 1843 (précédé dès 1826 de l’Ouverture), Ein Sommernachtstraum de Mendelssohn ; 1977, création du ballet de John Neumeier, entré en 1982 à l’Opéra de Paris. Trois dates, trois génies. Entre-temps des talents, celui de Petipa, qui fit sa version pour le Mariinsky en 1876, totalement tombée dans l’oubli depuis. D’autres bien sûr suivirent et en 1962, le déjà très glorieux Georges Balanchine fit la sienne pour le New York City ballet : du pur divertissement académique embrillanté, que l’Opéra de Paris inscrit bizarrement à son répertoire. Car rien ici ne s’impose: s’il faut  saluer la clarté quasi didactique avec laquelle le chorégraphe désembrouille cette histoire compliquée, et que les New-Yorkais savourèrent des années durant, en la trouvant sans doute « ravissante », on déplore de n’y trouver que de rares traces du fameux style balanchinien. « Je n’y reconnais vraiment pas sa patte », s’étonne, amusée, Béatrice Martel, assistante-maître de ballet, qui a contribué à apprendre la chorégraphie aux danseurs de l’Opéra. Même si elle y a pris un plaisir extrême ! 
 
© Agathe Poupeney /Opéra national de Paris

Style banalement académique, pantomime lisible au tout premier degré, variations insipides qui s’enchaînent presque mécaniquement, et dans cette débauche de figures classiques, aucun geste signifiant qui puisse évoquer la portée de l’œuvre, aucune descente inspirée dans le charme de cette nuit magique : rien par exemple qui suggère l’érotisme à la fois trouble et léger de la dispute des deux elfes pour la possession d’un enfant, ou le duo un rien osé de Titania avec l’âne Bottom. Tout est lisse et brillant comme un cristal de Swarovski, auquel cette production doit beaucoup de son éclat !
 
Et s’il y a charme, donc, c’est au travail de Christian Lacroix qu’on le doit, bien qu’il ait dû se conformer aux anciennes maquettes de la grande dame qu’était Karinska, qui œuvra à New York pour la création du ballet. Le créateur s’adonne ici aux plus doux, aux plus rutilants de ses rêves, qu’il déploie en de scintillantes étoffes, délicates mousselines, pour figurer ailes de papillon et autres fantasmagories joyeuses. Un régal qui comble l’œil et aide à se consoler de ce que l’esprit soit si peu sollicité, sans parler d’un décor de forêt opulent où les bleus et les verts évoquent lointainement les alliances osées de Bakst, dont Lacroix peut se dire le disciple, mais sans ses moiteurs troubles.
 

© Agathe Poupeney /Opéra national de Paris
 
Bonne interprétation, où s’inscrit en premier la famélique et racée Titania d’Eleonora Abbagnato, laquelle illumina jadis la version Neumeier, jolis couples Hermia-Laetitia Pujol, Lysandre -Alessio Carbone, et pour Héléna, l’expressive Fanny Gorse, face au rude Démétrius d’Audric Bezard. On note aussi la présence d’un Oberon peu connu du public, Paul Marque, de belle stature, et du coryphée Hugo Vigliotti en gentil Puck, car Balanchine a conçu ce spectacle comme une fête de (riche) lycée. Tout autour, une ribambelle d’enfants bondissants et réjouis, spirituellement costumés par Lacroix comme des lutins de cirque.
 
 Dans la fosse, Simon Hewett – habitué des productions de ballet – à la tête de  l’Orchestre de l’Opéra dirige la musique de Mendelssohn avec ardeur et vivacité, mais sans une once de poésie. Décidément pas de petits pieds nocturnes foulant les mousses sylvestres, dans ce Songe d’une nuit d’été sans rêves, comme l’illustrateur Arthur Rackham sut si bien les faire naître en 1909 dans ses délicats et frémissants dessins. Autre génie…  
 
Jacqueline Thuilleux
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Le Songe d’une nuit d’été (chor. Balanchine – mus. Mendelssohn) - Opéra Bastille, le 9 mars ; prochaine représentations les 12, 14, 15, 17, 18, 21, 23, 24, 27, 29 mars 2017 / www.operadeparis.fr/en/season-16-17/ballet/le-songe-dune-nuit-dete

Photo © Agathe Poupeney /Opéra national de Paris

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