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Léo Warynski, entre chœur et orchestre – Un talent bien partagé

Une soirée à l’église des Billettes en décembre 2016 a été le cadre d’un des concerts les plus originaux de la saison dernière à Paris puisqu’il associait des pages de musique chorale a cappella américaine interprétées par le chœur Les Métaboles de Léo Warynski (photo)à ... des fragrances imaginées par le parfumeur Quentin Bisch ! Etonnante expérience dont Jean-Guillaume Lebrun s’était fait l’écho dans nos colonnes (1). Léo Warynski est de retour pour une fin d’année bien occupée, de Royaumont à Strasbourg et de Rouen à Paris.
Les Métaboles © H. Caldagues

Chef de chœur, chef d’orchestre ? Les deux mon général !, et ne demandez pas à L. Warynski de choisir tant ces activités sont pour lui indissociables et complémentaires. Originaire de Colmar, il a découvert la musique par le chant en intégrant, gamin, la Maîtrise de sa ville natale, mais très tôt aussi il s’est mis au violoncelle. Il se souvient d’avoir « toujours mené de front le chant et l’instrument » - le plus naturellement du monde ... Disciple de François-Xavier Roth pour l’orchestre et de Pierre Cao pour le chœur, il aura aussi été conforté dans son désir de mener une double activité en méditant la réflexion qui lui fit un jour l’ancien patron d’Arsys-Bourgogne : « Quand on est chef d’orchestre, on dispose d’un répertoire, d’un son, d’un univers extraordinaires, mais quand on est chef de chœur on a mille ans de répertoire à explorer ... »

A l’époque des années d’apprentissage, L. Warynski éprouvait « un grand plaisir à jongler d’un domaine à l’autre ». Il mesure désormais l’enrichissement qui en résulte et l’interaction entre les deux activités : « Lorsque je suis avec le chœur, j’ai un peu une démarche de chef d’orchestre ; une exigence très forte sur le sens de la pulsation, sur le rythme. Réciproquement lorsque je suis avec les instruments, je respire comme si je les faisais chanter. »

Léo Warynski @ Jean-François Mariotti

A la fois directeur musical du chœur Les Métaboles (fondé par L. Warynski en 2010 ; effectif moyen de 16 à 24 chanteurs) et de l’Ensemble Multilatérale (créé en 2005 par Yann Robin, L. Warynski en a pris la direction musicale en 2014), une formation à géométrie variable d’une quinzaine d’instrumentistes spécialisée dans le répertoire contemporain, notre double chef apprécie « la possibilité d’imaginer des rencontres, des projets communs et espère que cela contribuera à faire émerger une nouvelle forme de répertoire pour chœur et ensemble. »

« Les Métaboles sont nées de l’envie de disposer d’un chœur qui corresponde à mes aspirations, capable d’aborder tous les répertoires mais avec un vrai goût pour la création, confie-t-il. Un chœur formé de chanteurs qui me donnent la possibilité de mener un travail de fond pour obtenir la sonorité que je recherche, un son à la fois plein et homogène. » L’esthétique sonore des Métaboles ? Grande adaptabilité, plasticité du son en fonction du répertoire, attention aiguë à l’homogénéité et à la justesse. «Elle m’obsède, reconnaît L. Warynski ; un chœur qui chante juste c’est un chœur qui sonne bien ! » Il compare la discipline du chœur à celle du quatuor à cordes : « même force émotionnelle qui procède de la fragilité de l’ensemble au départ. »

Le week-end des 9 et 10 septembre, que le chef passe à l’abbaye de Royaumont avec les Métaboles et l’Ensemble Multilatérale sera en particulier marqué par l’exécution de Rothko Chapel de Morton Feldman (le 10 à 17h30) ; un vieux projet caressé depuis le jour où, sur les conseils de Pascal Dusapin, il a découvert cet « ouvrage envoûtant », inspiré par les peintures de Mark Rothko dans une chapelle de forme octogonale à Houston, une réalisation « pour chœur à bouche fermée, percussion très légère, célesta et un alto solo qui apporte tout son lyrisme à une partition qui s’éclaire par sa conclusion », précise L. Warysnki, déjà sous le charme de l’ouvrage qu’il s’apprête à faire entendre.

Ensemble Mutilatérale © Ugo Ponte

A peine en aura-t-il fini avec Royaumont qu’il lui faudra songer à prendre le chemin de Strasbourg pour le Festival Musica. Le grand rendez-vous alsacien de la musique contemporaine l’attend pour deux rendez-vous. Le 23 septembre, comme ce fut le cas au théâtre de Nîmes en début d’année, L. Warynski retrouvera les musiciens de Multilatérale pour la Passion selon Sade de Sylvano Bussotti (né en 1931), Mystère de chambre avec tableaux vivants mis en scène par Antoine Gindt.

«Une partition très expérimentale, qui reflète la personnalité d’un artiste à la fois musicien, peintre, poète, etc., note L. Warynski. Elle reprend des éléments d’œuvres antérieures de Bussotti (les Tableaux Vivants pour deux pianos, de 1964, en particulier) ; c’est l’œuvre d’un auteur d’un peu plus de trente ans qui synthétise ses goûts et ses aspirations. Il s’agit d’une partition graphique, faite de dessins, de tableaux, elle s’éloigne souvent de la notation traditionnelle, laisse une très grande marge de liberté aux interprètes et exige d’eux une capacité à se laisser emporter par leur imaginaire. Elle réunit un ensemble de dix musiciens, plutôt hétéroclite et étrange : on y trouve un orgue/harmonium, deux pianos, un hautbois, un hautbois d’amour, un cor, un violoncelle, une harpe et une percussion importante. La Passion selon Sade correspond au côté fantasque de Bussotti, lui permet de varier les couleurs et de surprendre. »

 D’une durée d’une bonne trentaine de minutes, la partition ne fait pas appel à des textes de Sade et s’appuie uniquement sur le célèbre poème de Louise Labé « Ô beaux yeux bruns, ô regards détournés ». Antoine Gindt et Léo Warynski ont décidé de rajouter un extrait des Ecrits politiques de Sade (« Français, encore un effort ... ») pour aboutir à un spectacle d’une cinquantaine de minutes où le double rôle de Justine “O“ et de Juliette est confié à la soprano Raquel Camarinha, tandis que le comédien Eric Houzelot tient celui, quasi muet, du Marquis. Un spectacle que le public parisien aura la possibilité de découvrir à l’automne, au théâtre de l'Athénée (du 23 au 26 nov.).

Musica offre aussi à L. Warynski la possibilité d’approfondir l’excellente relation qu’il a nouée en 2015 avec l’Ensemble Intercontemporain autour de l’opéra Giordano Bruno de Francesco Filidei. Des liens d’autant plus facilement tissés que certains musiciens de l’Intercontemporain participent aussi à Multilatérale. Le concert du 30 septembre à Strasbourg sera consacré à Le Encantadas d’Olga Neuwirth.

Que l’on se garde toutefois d’imaginer le chef uniquement occupé par le répertoire contemporain. Un peu avant la reprise parisienne de la Passion selon Sade, il fera ses débuts avec l’Orchestre de l’Opéra de Rouen dans l’inoxydable Pierre et le loup de Prokofiev (les 10 et 12 nov.)
Quant à Noël, c’est à la tête des Métaboles qu’il le célèbrera, à Paris (Collège des Bernardins, 21 déc.), avec un programme «Un Noël en Allemagne » réunissant des pages de Brahms, Mendelssohn et des chants traditionnels, auxquels le public sera invité à participer.

Alain Cochard
(Entretien avec Léo Warynski réalisé le 1er septembre 2017)

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(1) www.concertclassic.com/article/une-nuit-americaine-par-les-metaboles-beaute-des-sons-et-des-sens-compte-rendu

Festival de Royaumont - les 9 et 10 septembre 2017 / royaumont.com
Festival Musica - les 23 et 30 septembre 2017 / www.festivalmusica.org/
Orchestre de l'Opéra de Rouen Normandie - les 10 et 12 novembre 2017 / www.operaderouen.fr/
Théâtre de l'Athénée - 23, 24, 25 et 26 novembre 2017 /http://www.athenee-theatre.com/saison/spectacle/la_passion_selon_sade.htm
Collège des Bernardins, 21 décembre 2017 : www.collegedesbernardins.fr/art-et-culture/musique

Photo Léo Warynski © DR

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