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Les Maîtres Chanteurs à l’Amphithéâtre Bastille - Passé reconstitué - Compte-rendu

Une reconstitution du premier tableau de l’Acte III des Maîtres chanteurs de Nuremberg tels qu’ils furent donnés au Palais Garnier en 1897 dans la version française d’Alfred Ernst. Dès l’arrivée à l’Amphithéâtre de la Bastille, le décor en trompe-l’oeil donne le ton. C’est à une “reconstitution historique informée” qu’invitent les chercheurs Rémy Campos et Aurélien Poidevin, avec l’aide d’Alain Zaepfel (direction d’acteur), dans le cadre d’une coréalisation entre l’Opéra de Paris et la Haute Ecole de Musique de Genève.

Campos et Poidevin connaissent admirablement leur sujet, comme l’atteste un épais et passionnant ouvrage tout juste paru (“La scène lyrique autour de 1900”) (1). On reviendra ultérieurement sur cette véritable mine de précieux renseignements, indispensable à tout passionné d’art lyrique.

Outre pour les décors, les documents conservés dans les archives de l’Opéra de Paris ont permis à ses Ateliers de reconstituer les costumes de l’époque, avec l’aide des élèves du Lycée Jules Verne de Sartrouville pour ceux des hommes – de la très belle ouvrage ! Comme l’expliquent Campos et Poidevin, les “livrets de mise en scène” (annotés de la main du régisseur general) qui circulaient à l’époque ont également été d’un précieux secours, tandis que, à partir des photos, dessins et peintures de l’époque, les gestes et postures des interprètes ont été réinventés.

Le spectacle commence (accompagné au piano par Anne Le Bozec), étrange impression ; une vieille photo sepia semble prendre vie. Le résultat s’avère vite statique, stéréotypé et parfois excessif (l’entrée de Beckmesser fait songer à un De Funès qui aurait endossé l’habit de Nuremberg ; on se demande comment le public arrive à prendre la chose avec autant de sérieux…), mais on est tout à fait disposé à faire l’expérience de la reconstitution de ce Wagner “chanté en français”. S’il l’était vraiment…

Las ! en matière vocale, la déception est générale, du Sachs sincère mais terne de Didier Henry à la Eva acide de Leana Derney en passant par le Walther de Valerio Contaldo et le Beckmesser de Marcos Garcia Gutiérrez, aux aigus souvent fâchés avec la justesse. Seul le David d’André Gass tire - relativement - son épingle du jeu. Quant au texte français d’Alfred Ernst, il se transforme trop souvent en un vilain sabir…

Campos et Poidevin ont eu l’excellente idée d’agrémenter leur magnifique bouquin de deux CD d’extraits des Maîtres chanteurs interprétés (dans la version de Ernst) par divers artistes entre 1908 et 1944. Ne citons que le “Rêve ! Rêve ! Tout n’est que rêve” par Marcel Journet sous la baguette du merveilleux Piero Coppola en 1930. La comparaison n’est pas à l’avantage du présent…

Alain Cochard

(1) “La Scène lyrique autour 1900” - Ed. L’oeil d’or/ formes et figures, 452 p., 50 eur. Wagner : Les Maîtres chanteurs de Nuremberg (Acte III/1er tableau /) – Amphithéâtre de l’Opéra Bastille, 31 mars 2012.

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Photo : Opéra national de Paris/ Mirco Magliocca
 

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