Journal

Les Quatuors Béla et Tana à la Biennale de quatuors à cordes - Inventions à quatre - Compte-rendu

 
Quatuor Tana, Quatuor Béla, Francesco FILIDEI, Yann ROBIN
 
La 7e Biennale de quatuors à cordes, qui s’est tenue à la Philharmonie de Paris, a mis à l’honneur les jeunes formations. En ouverture de la manifestation, deux des représentants les plus prometteurs de la jeune génération se sont succédés dans l’amphithéâtre de la Cité de la musique, dans des programmes illustrant leur goût pour la musique d’aujourd’hui.
Ainsi, dans le programme du Quatuor Béla, deux créations particulièrement originales entourent le bref Quatuor n° 7 en trois mouvements de Chostakovitch. Premier quatuor de son auteur, Notturno sulle corde vuote de Francesco Filidei (né en 1973) fait appel à des « SmartInstruments », instruments hybrides entre lutherie traditionnelle et électronique. Durant la vingtaine de minutes que dure la pièce, et hormis quelques irruptions détonantes, il est bien souvent difficile de faire la part de ce qui relève du simple jeu instrumental et des transformations acoustiques permises par l’électronique développée à l’Ircam. C’est là l’une des qualités de cette œuvre qui garde ainsi son mystère, nimbée dans un mouvement perpétuel entre familiarité et étrangeté.
 
C’est peu ou prou le même sentiment qui domine à l’écoute de White Face (De la glisse) de Philippe Leroux (né en 1959) : l’œuvre semble tout d’abord reposer sur un matériau relativement simple (des glissandi) avant de le soumettre à une infinité de variations. Difficile à appréhender dans son ensemble en une seule écoute, cette œuvre-catalogue en sept mouvements est à la mesure de la virtuosité et de l’implication du Quatuor Béla.
  Quatuor Tana © DR

Le temps de vider la salle puis d’y réaccueillir le public, et c’est maintenant le Quatuor Tana qui se présente sur scène, reconnaissable à ses partitions électroniques (« Airturn »). Cette fois, ce sont deux « classiques du 20e siècle » qui encadrent une création. Le Quatuor n° 1 « Métamorphoses nocturnes » de Ligeti est servi avec énergie ; le Quatuor Tana assume pleinement l’équilibre entre l’héritage bartokien et les inventions rythmiques propres à Ligeti. De même, les quatre musiciens donnent une interprétation particulièrement aboutie, d’une grande clarté, du Quatorzième Quatuor de Chostakovitch (dont l’ensemble des quinze quatuors a été présenté durant la Biennale).
 
Auparavant, le Quatuor Tana a donné la première audition du Quatuor n° 3 « Shadows » de Yann Robin (né en 1974), non sans l’avoir fait précéder de quelques précautions oratoires. De fait, cette « polyphonie énergétique » (selon le compositeur lui-même) est d’une densité sonore peu commune. Maître de la saturation sonore, Yann Robin propose durant vingt minutes un déferlement sonore ininterrompu. Ne laissant aucun répit à l’auditeur – pas plus qu’aux instrumentistes – Shadows l’oblige, presque malgré lui à s’accrocher aux sons, pris dans un mouvement vertigineux, et à s’y inventer son propre chemin. Une expérience musicale fascinante !
 
Jean-Guillaume Lebrun

logo signature article

Paris, Philharmonie – Cité de la musique, le 15 janvier 2016.

Photo Quatuor Béla © Jean-Louis Fernandez

Partager par emailImprimer

Derniers articles