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Les Révélations Classiques de l’Adami aux Bouffes du Nord – Patchwork de talents – Compte-rendu

Comme chaque année désormais, l’Adami organisait une soirée aux Bouffes du Nord destinée à présenter quelques uns des talents repérés par Sonia Nigoghossian et Françoise Petro, les directrices artistiques des Révélations Adami. Six des huit artistes présentés provenaient de la sélection 2013, les deux autres de celle de 2012 pour l’une, de 2014 pour l’autre.

Exercice délicat qu’un tel concert-patchwork mêlant airs d’opéras et pages instrumentales d’époques diverses, mais exercice réussi une fois de plus pour S. Nigoghossian et F. Petro qui, avec la complicité de François Dunoyer pour la mise en espace, ont su concocter une soirée « cousue main », parfaitement équilibrée et sans l’ombre d’un temps mort.

Côté voix (le piano complice de Sophie Teulon est l’œuvre pour cette partie), la mezzo Eve-Maud Hubeaux (Révélation 2012) est déjà bien connue du public. Applaudie en octobre dernier à l’Opéra de Lyon dans Le Vaisseau Fantôme, elle est au rendez-vous des Bouffes du Nord pour quelques airs qui en disent long sur la versatilité de son talent. Si « Ô ma lyre immortelle… » (Gounod/ Sapho) illustre des qualités de dictions remarquables et un sacré tempérament de tragédienne, son riche matériau vocal se met avec la même aisance au service de la comédie dans un éblouissant « Cruda sorte » (Rossini/ L’Italiana in Algeri) –  à quelle impeccable rhytmicienne a-t-on de surcroît affaire ! – ou un beau duo Rosina / Figaro du Barbier en compagnie Mathieu Gardon (Révélation 2013).
Le baryton aura par ailleurs offert un « Mein Sehnen, mein Währen » (Kornold/ La Ville morte) très poète, avant de laisser s’épanouir sa personnalité lumineuse et son amour des mots dans « Ô vin, dissipe la tristesse » (Thomas/ Hamlet).
La tristesse n’avait pas court, c’est le moins que l’on puisse dire, dans le duo Eurydice/Orphée (Offenbach) que Rémy Mathieu (Révélation 2013) a partagé avec Armelle Kourdhoïan (Révélation 2014). Le chic, la vis comica et la présence du ténor y font merveille – avec la complicité de la violoniste Irène Duval (Révélation 2013) !
Pyrotechnie vocale et intelligence musicale se conjuguent idéalement chez A. Khourdoïan. Son « Je suis Titania la blonde »  (Thomas/ Mignon) emporte l’adhésion de l’auditoire, tout autant que le magnifique feu intérieur qu’elle apporte à « Tiger ! Wetze nur die Klauen… » (Mozart/Zaïde).
 
A l’instar des chanteurs, les instrumentistes ont eu la possibilité de se produire en solo et en ensemble. C’est au Finale du Trio op. 49 de Mendelssohn, confié à I. Duval, Guillaume Sigier (Révélation 2013) et Yan Levionnois (Révélation 2013) que revient d’ouvrir la soirée avec un style aussi juste qu'ensoleillé. Plus tard le hautbois d’Olivier Stankiewicz (Révélation 2013) prendra la place du violon pour le Final du Trio de Poulenc, non moins goûteux.
On comprend que Tugan Sokhiev ait choisi Stankiewicz comme hautbois solo de son Orchestre du Capitole en l’entendant là, comme dans une prégnante Romance op. 94/1 de Schumann, avec G. Sigier, ou dans l’Allemande et la Courante de la Partita pour flûte. Contrôle parfait de l’émission, pureté de ligne : une merveille !
Pureté, le mot vaut aussi pour le violon d’Irène Duval qui se joue avec un sacré chic des difficultés du Finale de la périlleuse 4ème Sonate d’Ysaÿe et soigne les couleurs du Blues de la 2ème Sonate de Ravel avec G. Sigier. Seul moment de piano solo de la soirée, les Klavierstücke op. 118 nos 1 et 2 de Brahms montrent la riche palette sonore du jeune artiste et sa capacité à caractériser la musique. Sigier n’a pas pour rien étudié auprès d’Henri Barda et de Roger Muraro…
Quel fin chambriste se révèle aussi être celui qui noue un beau dialogue avec le violoncelle de Y. Levionnois pour un très spontané Pezzo Capriccioso de Tchaïkovski, avant de lui laisser la place dans une sobre et poète Sarabande de la Suite BWV 1010.
 
A Leonard Bernstein revient le mot de la fin puisqu’un arrangement de la scène du balcon de West Side Story réunit tous les intrerprètes de la soirée. Un tube… bissé à la demande d’un public légitimement conquis !
 
Alain Cochard

Photo © Laurent Drillon
 
Paris, Bouffes du Nord, 12 janvier 2015.

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