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​L'Orchestre-Atelier Ostinato à Vincennes - Schubert régénéré - Compte-rendu

Fidèle à la saison de « Prima la Musica ! » à l’auditorium Cœur de Ville de Vincennes, l’Orchestre-Atelier Ostinato revient cette fois avec un programme Schubert. Programme inhabituel chez cet ensemble formé de jeunes Premiers Prix de Conservatoire, et de leur chef titulaire et fondateur, Jean-Luc Tingaud (photo), plus souvent portés sur les raretés du répertoire. Mais précisément, c’est à une approche autre de Schubert qu’ils nous convient !
 
L’effectif, déjà, s’apparente au plus près, avec ses 42 instrumentistes, aux formations auxquelles Schubert avait recours. Et la disposition tout autant : premiers et seconds violons répartis de part et d’autre, et les autres instruments pareillement rassemblés à l’avenant de l’instrumentarium reconnu du XIXe siècle ; mais avec la quinzaine des vents debout, en arc, en fond de plateau, dans une vibrante prise au corps instrumentale. S’ajoute l’acoustique, d’une saisissante présence, de cet auditorium en forme de grand salon. Pour aboutir à un monde sonore renouvelé, plus respectueux de l’original certes, mais qui surtout rend un autre relief et restitue une tout autre dynamique dans un équilibre merveilleusement retrouvé. On est loin de ce Schubert tout d’un bloc à grand renfort de vastes orchestres symphoniques, dont de plus prestigieux chefs et phalanges nous ont trop accoutumés !
 
La Neuvième, la « grande » symphonie, page rabâchée s’il en est, en ressort comme neuve, de pianissimos imperceptiblement bien nets à des forte fulgurants, quand chaque détail d’orchestre se lit dans une matière de musique de chambre démultipliée. Une délectation de chaque instant ! Avec parfois des accents déchirants, comme le tutti au centre du deuxième mouvement. Il faut dire que les interprètes ne ménagent pas leurs efforts, dans un enthousiasme d’une fraîcheur juvénile (très schubertienne) que ne trahissent pas des traits individuels bien sentis et des transports d’ensemble bien lancés, sous la battue engagée d’un Tingaud qui mouille sa chemise (au sens propre). Soulignons aussi la participation de Gilles Henry, premier violon venu de l’Orchestre de Paris, qui stimule ses ouailles d’une égale ferveur engagée.
 

Jean-Paul Gasparian © DR / primalamusica.fr
 
La première partie de concert, après des extraits de Rosamunde en forme d’échauffement, revient à la Wanderer-Fantaisie, mais dans la magnifique transcription concertante réalisée par Liszt. Jean-Paul Gasparian s’empare de son piano avec une maîtrise qui égale celle des plus grands, intériorité transcendante et technique souveraine intensément mêlées. Ce tout jeune interprète de vingt ans, ancien élève de Jacques Rouvier et Michel Béroff au CNSMD de Paris, confirme un talent qui confine au génie et que toutes les salles de concert devraient bientôt s’arracher. Un bis, confié à un prélude de Rachmaninov, ne fait que rappeler ces éminentes vertus. Le public suit, dans une attention lourde, en première comme en seconde partie, achevée sur des rappels sans fin. « Prima la Musica ! » à Vincennes, série de concerts pourtant si peu célébrée, a su former et constituer son auditoire, et le miracle a une fois encore opéré !
 
Pierre-René Serna

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Vincennes, Auditorium Cœur de Ville, 19 mai. Reprise du concert au Théâtre Jean-Vilar de Suresnes, le 22 mai 2016 (à 17 h) / www.theatre-suresnes.fr/2015-franz-schubert-le-voyageur /www.primalamusica.fr

Photo Jean-Luc Tingaud © Jean-Baptiste Millot

 

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