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L’Oristeo de Cavalli au Festival Mars en Baroque – Déjà bouffe

Du 3 au 27 mars, Mars en Baroque met Marseille à l’heure de la musique ancienne avec la 14ème édition d’un festival que Jean-Marc Aymes, son directeur artistique, a placé cette fois sous le thème « Le Peuple, le Roi : de l’Eglise à l’Opéra ». Francesco Cavalli (1602-1676) y occupe une place de choix : en plus d’un colloque de la Société internationale de musicologie sur « Cavalli et l’opéra à Venise » (au MuCEM le 12/03) et de la projection d’Elena, la captation du spectacle dirigé par Leonardo García Alarcón et mis en scène par Jean-Yves Ruf au Festival d’Aix-en-Provence en 2013 (à l’Institut culturel italien, le 8/03), le Théâtre de la Criée accueille (les 11 et 13/03) le temps fort du Festival 2016 : la recréation de L’Oristeo, une production où Jean-Marc Aymes et son Concerto Soave font équipe avec Olivier Lexa (photo). Fondateur du Venetian Centre for Baroque Music (1) en 2011, ce dernier demeure toujours actif pour qui concerne la direction artistique de cette institution, mais se consacre de plus en plus en parallèle à ses activités de dramaturge et de metteur en scène.
 

Jean-Marc Aymes © Marie-Eve Brouet

La passion d’O. Lexa pour l’art de Cavalli n’est plus à dire (1). L’Oristeo que l’on découvre à Marseille concrétise un projet né en juillet 2014 à Venise, où Jean-Marc Aymes s’était rendu pour assister à la résurrection de L’Eritrea à la Fenice - dans la régie d’O. Lexa et sous la direction de Stefano Montanari.
 « Après diverses réalisations et expérimentations, rappelle O.Lexa, Cavalli et Faustini (librettiste de Cavalli et impresario ndr) ont abouti à quatre opéras, L’Oristeo, La Rosinda, La Calisto et L’Eritrea, dont la naissance correspond au moment où Faustini décide d’ouvrir son propre théâtre à Venise, le Sant’Apollinare. Mais Faustini n’aura entendu que les deux premiers car il est mort subitement en 1651. Cette « trétralogie du Sant’Aponal » réunit des opéras qui correspondent à une certaine idée de la perfection dramaturgique. L’enjeu financier était considérable tant pour Cavalli que pour Faustini – ils n’avaient pas le droit à l’erreur... – et ils ont donné le meilleur d’eux-mêmes notamment en ce qui concerne l’efficacité théâtrale et l’aspect comique. »

« Avec L’Oristeo et L’Eritrea en particulier, poursuit O. Lexa, ont à affaire à deux opéras précurseurs de l’opera buffa. On y trouve très peu de personnage mythologiques : aucun dans L’Eritrea, hormis dans le prologue, deux dans L’Oristeo, mais presque « décoratifs » et sans lien véritable avec l’intrigue. Nous sommes en 1651, mais déjà dans une histoire de petits bourgeois et de jardiniers. L’ouvrage est extrêmement public dans tous les sens du terme ; dès les premières répétitions avec les chanteurs et Jean-Marc Aymes, nous nous sommes rendu compte à quel point les airs, très brefs et d’une grande efficacité musicale, restent ancrés dans la mémoire. »
 
Quelle mise en scène pour L’Oristeo ? O. Lexa a décidé d’expérimenter «un compromis entre le baroque et le contemporain ». Sa scénographie fait appel à la vidéo (à la manière d’une « toile peinte animée ») et l’éclairage, électrique, s’inspire du clair-obscur baroque. Un cadre dans lequel on découvre une approche mue par le désir de « travailler sur le rapport au corps ». O. Lexa a pour grand modèle L’Orfeo de Monteverdi par la chorégraphe américaine Trisha Brown. « Un travail sur le corps édifiant, elle a fait danser tous les chanteurs », se souvient le metteur en scène, visiblement très marqué par une production dont René Jacobs assurait la direction musicale. « C’est pour moi un modèle plus important encore que la gestualité baroque ». Assistant de Benjamin Lazar pendant trois ans, O. Lexa a certes été marqué par cette expérience, mais a beaucoup évolué ensuite. «J’utilise la gestualité baroque, plus pour son côté italien et commedia dell’arte. En France, la gestuelle baroque me paraît trop codifié, conventionnelle, limitée et presque stérile par rapport à l’approche beaucoup plus libre que l’on en a en Italie. »
 
La réflexion sur l’expression des corps promet de guider le metteur en scène dans cet Oristeo (dont la distribution réunit Romain Dayez, Aurora Tirotta, Maïlys de Villoutreys, Lucie Roche, Carli Vistoli, Zacahary Wilder et Lise Viricel), comme dans de nombreux projets à suivre. Parmi ceux-ci on relève « Angeli e Demoni », pasticcio composé d’extraits des opéras et de la Selva morale de Monteverdi monté avec Leonardo García Alarcón et sa Cappella Mediterranea en coproduction avec le Carnegie Hall - qui accueillera le spectacle en 2017, année Monteverdi oblige -, le Combattimento di Tancredi e Clorinda à la Fenice en juillet prochain, mais aussi, à l’horizon 2017-2018, un spectacle avec Vincent Dumestre et son Poème Harmonique. Quant aux activités de dramaturge d’O. Lexa, après une collaboration réussie avec La Scala il y a peu pour les Due Foscari (avec Placido Domingo), l’institution milanaise refera appel à lui dès la saison prochaine.
 
Alain Cochard
(Entretien avec Olivier Lexa réalisé le 19 février 2015)

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(1) Site du Venetian Centre for Baroque Musique : www.vcbm.it/fr/page/presentation
 
(2) Olivier Lexa a signé un « Francesco Cavalli » pour Actes Sud/Classica, excellente – et unique – synthèse en français sur l’auteur de La Calisto.
 
Festival Mars en Baroque
Du 3 mars au 27 mars 2016
Marseille
www.marsenbaroque.com
 
Cavalli : L’Oristeo
11 et 13 mars 2016
Théâtre de la Criée
www.marsenbaroque.com/evenement/loristeo

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