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Lucia di Lammermoor en version de concert au Théâtre des Champs-Elysées – Jessica lasse – Compte rendu

A quelques jours du 40ème anniversaire de la mort de Maria Callas et en ouverture de saison, le public du TCE avait rendez-vous avec la Lucia di Lammermoor de Donizetti. L'hommage devait être éblouissant, il n'a été que correct. La direction routinière de Roberto Abbado est la première cause de notre déception : sa lecture pourrait être classique mais habitée, oppressée ou troublante, au lieu de quoi elle se contente d'accompagner pesamment le récit sans qu'à aucun moment le théâtre n'y trouve sa place. Peu concerné, le National d'Ile-de-France répond en partie aux indications du chef qui, heureusement, soutient plutôt bien les artistes.

Pour ses débuts parisiens, Jessica Pratt (photo), nouveau rossignol australien, a honnêtement rempli son contrat : suraigus de colorature, projection puissante, émission stable, vocalises aisées, toute la panoplie est là. Mais où sont les couleurs, l'inventivité dans l'ornementation et les émotions qui définissent la psychologie de son personnage et le conduisent vers le drame ? Convaincante dans l'air d'entrée et dans le duo avec Edgardo, la soprano décroche par la suite, lointaine et détachée avant d'exécuter une scène de la folie d'une extrême platitude d'expression, sur laquelle ne passe aucun vertige, aucun frisson, aucune angoisse. Là où l'on devrait comme l'héroïne perdre pied, dériver sur d'inaccessibles hauteurs, sombrer vers l'inconnu, nous ne quittons jamais la terre. Et ce n'est pas cette espèce de tic ridicule – geste nerveux de la main ramenée à toute vitesse à l'épaule – qui peut tenir lieu d'interprétation de la démence.
 
Décidément Paolo Fanale ne peut offrir que ce qu'il possède, soit un joli timbre sans accroc, vite perdu dans la masse tant son volume est réduit. Inaudible dans les ensembles, le ténor italien s'épuise dans le finale où il butte face aux tensions vocales et aux besoins d'expressivité exigés par son suicide causé par la perte de Lucia : dans cette page où Giuseppe di Stefano (face à Callas à Berlin en 1955, la référence absolue !) mettait ses tripes à nu, hurlait sa rage et sa douleur, la frilosité et la tiédeur ne sont plus de mise.
 
Luca Salsi appelé à la rescousse suite au désistement de Gabriele Viviani, fait craindre tout d'abord qu'il s'est trompé de répertoire, dupliquant son récent Amonasro sur le rôle d'Enrico. Mais même s'il n'est pas un baryton d'extraction belcantiste, il prend garde de ne pas trop brutaliser sa ligne de chant, tout en soulignant la noirceur de son personnage. Remplaçant Ugo Rabec initialement prévu, Riccardo Zanellato chante impeccablement le rôle de Raimondo, tout comme Kevin Amiel les quelques phrases de Normanno, Xavier Anduaga celles très brèves d’Arturo et Valentine Lemercier la courte prestation de la confidente de Lucia (Alisa), entourés par un Ensemble Lyrique Champagne Ardenne plutôt mou.
Un hommage en demi-teinte à celle qui révolutionna, entre autres, l'interprétation musicale et théâtrale de cette œuvre-clé du bel canto romantique.
 
François Lesueur

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Donizetti : Lucia di Lammermoor (version de concert) - Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 12 septembre 2017
 
Photo Jessica Pratt @ Luis Condro

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