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Luisa Miller à l’Opéra de Lyon - Pour Ermonela Jaho - Compte-rendu


Luisa Miller a décidément de la chance en cette saison : hier la reprise du spectacle pataud de Gilbert Deflo à Bastille offrait un plateau quasi immaculé où Krassimira Stoyanova délivrait une leçon de bel canto comme on n’en avait plus entendue depuis les grandes années de Mariella Devia. Aujourd’hui voici que l’Opéra de Lyon relève le gant avec un certain panache.

Si le spectacle de David Alden, n’est que purement conventionnel, essayant d’animer ça et là le chœur, excellent, par des pas dansés, plaçant l’action à l’époque de Verdi et cherchant une atmosphère plus proche de Stendhal que de Schiller, il ne trahit jamais la musique de Verdi, ce qui est déjà beaucoup, et offre quelques interprétations bien vues : ainsi le violon d’Ingres du père Miller, soldat à la retraite, est la lutherie. Dommage que cette relecture se limite sans cesse à l’anecdotique et n’exploite pas les ressorts dramatiques d’une intrigue que Schiller déduisit sans vergogne du Roméo et Juliette de Shakespeare.

Sous la baguette cursive de Kazuchi Ono, soucieuse comme toujours de l’exactitude du temps dramatique, l’opéra filait bon train, exposant les relatives faiblesses d’une distribution finement assemblée mais en dévoilant d’abord les bonheurs.

Le métal d’Adam Diegel teinte d’un peu trop d’héroïsme le personnage somme toute fragile de Rodolfo : l’élan y est, impérieux, mais rarement la ligne, le chant, trop ouvert, claironne et ignore la mezza voce lorsque Verdi l’exige. Mais un tel héroïsme, même, et surtout, si débridé, enflamme. La Federica grand style de Mariana Carnovali doit lutter avec son timbre usé, le Conte Walter de Riccardo Zanellato a vécu : ligne improbable, souffle court, couleurs incertaines, il ne lui reste qu’une justesse pas si solide que cela. Pas assez pour incarner ce monstre politique.

David Alden ne résiste pas au plaisir de tirer Wurm vers le méphistophélique, suivant Verdi qui le voulait assaisonné d’une pointe à la manière des caractères sataniques dans la tradition de l’Italie méridionale – après tout Luisa Miller fut encore écrite pour Naples, on n’y reprendra d’ailleurs plus Verdi soucieux de ses deniers. De sa basse charbonneuse Alexey Tikhomirov dessine un fort caractère jusque dans la veulerie du duel escamoté.

La palme revenait au couple père-fille : admirable de ligne, gorgé d’harmonique, humain au-delà du possible, le Miller de Sebastian Catana est un modèle d’humanité mais surtout de beau chant verdien et on espère l’entendre un jour en Simon Boccangera. Quant à Ermonela Jaho, son grand lyrique verdien s’épanouit année après année. Cette Traviata parfaite campe une Luisa finement vue, entre nostalgie et perdition, et elle la chante avec la voix du bon Dieu. Quel style ! Quelle élégance et quelle présence en scène ! Si l’on souligne que l’actrice égale la chanteuse on aura compris que cette Luisa Miller doit être vue d’abord pour elle.

Jean-Charles Hoffelé

Verdi : Luisa Miller - Opéra de Lyon, le 23 avril, puis les 25, 27, 29 avril et le 1e mai 2011

www.opera-lyon.com

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Photo : Opéra de Lyon/Jean-Louis Fernandez

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